Arnaud B. Libraire

Vaste fresque initiatique, "Les Prépondérants" s'inscrit dans la lignée des grands romans d'apprentissage avec sa cohorte de personnages allant par les chemins des années folles depuis Nahbès, ville d'un protectorat du Maghreb, jusqu'à Paris, Berlin, Marseille. Gabrielle, journaliste à la langue déliée pour laquelle Ganthier, colon ou plutôt Prépondérant, a un faible, voyagent en compagnie de Raouf et Katryne. Le premier est un jeune homme lettré, critique au sens politique aigu, prêt à battre en brèche le moindre cliché ; la seconde est une actrice hollywoodienne, jalouse, amoureuse, au bras de laquelle il s'émancipera de la chair. Hédi Kaddour coud de sa plume solide les différences, les contradictions, les amours et les rêves. Il n'oublie pas le retour au pays, le peuple resté là, les chefs, les enfants, les commerçants et par ce principe nous donne à lire un roman fécond, global, d'une grande habileté narrative.

Evelyne L.
Les Prépondérants

Tunisie ou Maroc, années 20.
D'un côté, il y a les colons, ceux qui se surnomment les « prépondérants ». Des gens venus s'enrichir, des amoureux de Maroc aussi, des refoulés de la mère patrie...
De l'autre, les locaux. Des pauvres pour une très large partie. Mais il y a aussi les élites qui collaborent en espérant des jours meilleurs pour eux ou pour le pays ou les deux à la fois. Mais il y a aussi les jeunes gens éduqués par les écoles françaises, imprégnés de culture française et de valeurs républicaines et qui ne comprennent pas la différence entre les prépondérants et les locaux, qui lorgnent vers les théories communistes qui leur font miroiter l'égalité, au moins.
Dans cet équilibre instable mais qui tient depuis la Grande Guerre, arrive une équipe de cinéma hollywoodienne : des stars, des petites mains, des blancs, des noirs...
Leur arrivée va rompre le statu quo mais l'intelligence d'Hedi Kaddour tient à son absence de jugement, à la mise en perspective des situations : la situation au Maroc, la situation de l'Allemagne sous domination notamment de la France, les Juifs en Europe, la chasse aux mœurs dépravées à Hollywood, les mœurs parisiennes... A nous lecteurs de nous dresser un tableau de la situation et de tirer nos conclusions. Un très beau roman, à l'écriture très classique, qui donne de l'épaisseur à l'Histoire.

Alex-Mot-à-Mots
Algérie, Berlin

Algérie, 1920 : ses colons français, ses algériens d’origine avec leurs us et coutumes encore très ancrées. Et puis au milieu, le jeune Raouf à l’esprit communiste, voulant changer les esprits et les façons de penser la gouvernance du pays.

Mais entrer dans ce roman, c’est aussi plonger dans une langue et un rythme : celui du récit à la limite de l’oralité du conte.

Les chapitres alternent les histoires, celle de Raouf ou celle de sa cousine Rania ; celle du procès à Hollywood ou celle du pauvre commerçant qui a voulu se jouer du fils de Si Ahmed.

Un roman qui nous plonge dans une Algérie entre deux guerres, et dont certains de ses enfants commencent à s’éveiller politiquement. Mais les Prépondérants sont encore trop puissants dans le pays.

J’aurais aimé toutefois suivre plus longtemps le personnage de Rania, veuve qui n’en fait qu’à sa tête en se retirant dans une des propriété de son père pour vivre sa vie comme elle l’entend ; mais qui respecte toutefois les coutumes et le quand-dira-t-on.

L’image que je retiendrai :

Celle du combat de deux chameaux pour la saillie d’une chamelle, et qui donne lieu à des paris.

http://alexmotamots.wordpress.com/2015/12/05/les-preponderants-hedi-kaddour