L'Europe va dans le mur

Présentation

DU MÊME AUTEUR

Osons la France,éd. Debout la République, novembre 2002.

La République tchèque : un des États les mieux préparés pour entrer dans l'Union européenne, rapport d'information n° 779, Assemblé nationale, avril 2003.

Ne laissons pas mourir la France, avec Paul-Marie Coûteaux, Albin Michel, 2004.

Un livre présenté par Yves Derai.

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eISBN 978-2-8098-1528-3

Copyright © L'Archipel, 2004.

Avant-propos

« Rien n'est jamais définitivement perdu dans la vie des peuples, si leurs dirigeants ne s'abandonnent pas aux fausses fatalités de l'Histoire. »

Charles de Gaulle

Un commissaire bruxellois décide d'infliger au syndicat agricole FNSEA une amende de 12 millions d'euros – soit la moitié de son budget annuel – pour avoir simplement tenté, avec l'accord du gouvernement de l'époque, de sauver une filière bovine en pleine déconfiture.

Une enquête est lancée contre EDF, entreprise qui produit pourtant l'électricité la moins chère d'Europe, au seul motif qu'elle est publique.

Bruxelles s'oppose à la fusion entre Schneider et Legrand au nom d'une conception dépassée de la concurrence.

L'interdiction du travail de nuit des femmes en France est remise en cause sous prétexte de parité, en réalité pour déréguler un peu plus le marché du travail.

Pour le même motif, la Cour de justice européenne juge inacceptable la retraite préférentielle pour les mères de famille nombreuse, alors que la France, et plus encore ses partenaires européens, ont besoin comme jamais du renouvellement de leurs générations.

La Commission exige de l'Allemagne le démantèlement de son système de consigne des emballages en verre, pourtant le plus écologique d'Europe, au prétexte qu'il fausserait la concurrence.

Ces quelques exemples choisis parmi les centaines d'autres qui émaillent le quotidien des quinze et bientôt vingt-cinq peuples composant l'Union européenne révèlent la dérive d'institutions qui, au fil du temps, ont perdu leur raison d'être.

Les citoyens découvrent tout à coup que la plupart des règles qui organisent leur vie quotidienne sont décidées par des organismes non élus, apparemment sous le contrôle de leurs gouvernements respectifs. Comment la belle idée européenne, censée rapprocher les peuples, a-t-elle pu insensiblement aboutir à la création de ce super-État bureaucratique et non démocratique ?

Au moment même où l'accélération de la mondialisation et l'émergence de nouvelles puissances (Chine, Inde, Brésil) exigent des nations européennes un sursaut collectif, l'Europe les englue dans un enchevêtrement d'interdictions et passe à côté de ses défis, notamment scientifiques et technologiques.

Au moment où les peuples sont confrontés à d'inextricables difficultés, on découvre que l'actuelle construction européenne porte une lourde part de responsabilité dans le marasme ambiant. En effet, la somme d'angoisses et de découragements que fabrique l'Europe des eurocrates s'étale tristement sous nos yeux : désespoir des chômeurs, écrasés depuis trop longtemps par la gestion déflationniste de l'euro ; des ouvriers, tétanisés par la perspective d'une délocalisation de leur usine dans les pays d'Europe centrale ; des agriculteurs, transformés en assistés ; des chercheurs, formés à prix d'or mais acculés à l'expatriation. Découragement des forces vives, qui osent moins que jamais donner libre cours à leurs talents ; des jeunes, dont l'avenir rime avec réformes sacrificielles ; des familles, qui hésitent à avoir l'enfant supplémentaire de leurs rêves. Révolte encore des amis de la sécurité alimentaire, bientôt condamnés à avaler malgré eux des OGM...

Malgré cet échec criant, l'Europe de Bruxelles continue, imperturbable et hautaine, sa route vers une terre promise qui, chaque jour, ressemble davantage à un mirage saharien. Cette Europe va dans le mur et, aiguillonnée par les mécontentements que provoque son incurie crasse, elle s'est depuis quelques années mise à accélérer. Maintenant, avec son projet de « Constitution », elle en vient même à klaxonner. Mais le mur se rapproche...

Et la France ? Nos élites campent comme un cerbère sur la ratification mal acquise du traité de Maastricht (douze ans déjà !) pour continuer, comme si de rien n'était, à ânonner béatement les incantations du credo européen auxquelles personne ne croit plus depuis belle lurette. Pourtant, après le 21 avril 2002 et le coup de tonnerre du scrutin régional – qui constituent les deux derniers épisodes du rejet systématique qu'essuient la droite et la gauche au pouvoir depuis vingt ans –, la classe politique française aurait tort de mentir plus longtemps aux Français. Aura-t-elle enfin le courage de jouer cartes sur table en avouant que les enjeux européens déterminent pour une large part le destin de la France et en acceptant d'en débattre au grand jour ?

Mais quand on débat d'Europe, encore faut-il savoir de quoi l'on parle ! Évoque-t-on l'idéal de rapprochement des peuples ou le fonctionnement du super-État en pointillés d'aujourd'hui ? Discute-t-on des politiques communes volontaristes des années 60 ou du marché unique ultra-libéral des années 90 ? Aborde-t-on les règles des traités ou l'application qui en est faite ?

La complexité de la construction européenne, ses changements très profonds de degré puis de nature au cours des quarante dernières années nourrissent une somme de malentendus. Lesquels, malheureusement, empêchent les responsables politiques et les citoyens d'y voir clair et de se prononcer vraiment sur le fond des choses.

Oser s'interroger sur la nature de l'actuelle construction européenne, c'est s'exposer à être traité d'anti-européen primaire. Or, la question n'est plus aujourd'hui de savoir si l'on est pour ou contre l'Europe, mais quelle Europe nous voulons. Une Europe qui s'appuie sur les nations qui la composent ou une Europe qui les nie ?

Un peu d'Histoire, à cet égard, ne serait pas inutile.

L'Europe est une réalité depuis des siècles. À travers la diversité de ses nations et les échanges qu'elles n'ont pas cessé d'entretenir et qui ont vivifié leurs civilisations respectives, elle représente un des patrimoines dont l'humanité peut s'enorgueillir, qu'il s'agisse de ses richesses culturelles, de ses acquis politiques ou de ses traditions spirituelles, depuis Platon au moins...

Mais l'Europe, au cours de sa longue histoire, a connu bien des déboires – en particulier un grand nombre de guerres qui, à mesure des progrès scientifiques et techniques, et corrélative-ment à la mondialisation, sont devenues de plus en plus absurdes, pour se transformer au XXe siècle en authentiques suicides.

On doit à la hauteur de vue de quelques esprits, parmi les plus grands de notre histoire, d'avoir très tôt compris, annoncé et organisé l'unité de l'Europe. Érasme, bien entendu, mais de nombreux autres, en particulier des Français, que l'on ne peut certes tous citer, de Sully, Premier ministre d'Henri IV (qui le premier, au début du XVIIe siècle, conçut un projet de Conseil de sécurité européen réunissant en permanence les ambassadeurs de chacune des puissances du continent), jusqu'à Victor Hugo, dont les visions donnèrent à l'impératif européen une dimension romantique et grandiose.

Rien de décisif cependant n'avait été fait avant les projets d'organisation institutionnelle qui se sont multipliés après la Seconde Guerre mondiale.

Depuis le Congrès de La Haye, qui fut en 1948 un véritable bouillon de cultures d'où germèrent différents projets de construction européenne, deux logiques s'enchevêtrent.

La première logique consiste à construire ce que le général de Gaulle a appelé « l'Europe des réalités ». La première de ces réalités est celle des nations. Son nom pourrait être « Europe des nations » et son instrument, la coopération entre les États souverains.

La seconde consiste à créer une seule nation et, peu à peu, un seul État – version de l'Europe que de Gaulle brocarda un jou...