Livres Littérature et Essais littéraires Romans Régionaux et de terroir 3, Les terres meurtries T3 : Le Temps des noces, Les terres meurtries*** Daniel Bernier
Livres Littérature et Essais littéraires Romans Régionaux et de terroir 3, Les terres meurtries T3 : Le Temps des noces, Les terres meurtries*** Daniel Bernier

Présentation

DU MÊME AUTEUR

La Bête rousse, L'Archipel, 1997.
Le Dévoreux, Pierron, 1999.
Au choix des dames, Pierron, 2001.
Les Terres meurtries :

Camille, L'Archipel, 2003.
Léona, L'Archipel, 2004.

Si vous souhaitez recevoir notre catalogue
et être tenu au courant de nos publications,
envoyez vos nom et adresse, en citant ce
livre, aux Éditions de l'Archipel,
34, rue des Bourdonnais, 75001 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1284-8

Copyright © L'Archipel, 2005.

Ils s'étaient retrouvés chez Sylvain, à la ferme de La Grange-aux-Bois. Autour de la table ronde de la salle à manger, il y avait Abel et René, venus de Vigneulles où ils habitaient ensemble, Nestor, qui avait quitté sa ferme de l'Alma dans les Ardennes proches, Henri, celle de Wameau près de Verdun. Cinq frères qui tenaient conseil avant de décider, en ce sombre dimanche de la mi-décembre, s'ils assisteraient ou non au remariage de leur belle-sœur Ida.

La photo du disparu passait de main en main.

— Fernand avait quand même fière allure dans son uniforme du 44e d'infanterie ! Dire que c'est le meilleur d'entre nous qui y est resté ! s'exclama Sylvain avant de passer le cliché format carte postale à René. Ce dernier s'essuya les yeux avec un mouchoir à carreaux qu'il avait toujours en main, avant de considérer longuement le portrait de son frère englouti dans l'enfer de Verdun. Cette fois, les larmes qu'il ne parvint à retenir n'étaient pas dues à l'ypérite dont il avait été victime trois ans auparavant aux Éparges.

Fernand était son préféré, son jumeau, disait-il. C'est vrai qu'ils étaient nés la même année, l'un en janvier, l'autre à Noël. Ils avaient vécu la même enfance, pêché les truites à la main, grimpé aux mêmes arbres pour dénicher les corbeaux, taquiné les mêmes filles. Puis ils avaient grandi, s'étaient musclés aux travaux de la ferme. Autre chose qui renforçait leur complicité : alors qu'ils n'avaient pas encore atteint leurs dix-huit ans, tous deux avaient été initiés aux choses de l'amour par la Marguerite, la veuve de la barrière. René, le cadet, était alors tombé amoureux, et Fernand avait eu toutes les peines du monde à le dissuader d'entretenir un commerce suivi avec cette femme qui, pour être belle de sa personne, n'en était pas moins de peu de foi et de moralité. Il avait dû longuement lui expliquer qu'il y avait deux sortes de femmes : celles qu'on épouse, et les autres !

C'était toujours ensemble qu'ils avaient sillonné le territoire pour traquer la perdrix, participé aux remises1 de sangliers, marqué le troupeau. Cette dernière tâche demandait une bonne entente entre celui qui devait tenir fermement la bête, et l'autre qui, d'un geste sûr mais mesuré, appliquait le fer rouge qui devait juste griller le poil et entamer les premières couches de la peau. Cette pratique permettait, lors de la vaine pâture, alors que toutes les vaches du village et des alentours se mêlaient dans la prairie, que chacun retrouve les siennes. C'était aussi une garantie contre le vol. Le marquage rendait possible l'identification du bétail volé ou de celui qui, mal surveillé, était surpris à dévaster un champ de betteraves, de luzerne, une chanvière et, parfois, un potager.

Les deux jeunes gens étaient pareillement déterminés à mordre dans la vie à pleines dents.

Ils ne s'étaient vraiment quittés que lorsque Fernand avait épousé Ida. C'était au printemps 1900. Vingt-deux ans déjà ! Un grand mariage. On n'avait pas lésiné sur les moyens. Les deux familles avaient fait le plein d'invités. À l'évocation de ces épousailles, René eut une rapide pensée pour Marie, une cousine de la mariée, qui avait été sa cavalière pendant les deux jours que dura la noce. Ils s'étaient bien plu. Marie était élégante et avait de la conversation, mais sa peau diaphane, son teint blême et une toux fréquente qu'elle maîtrisait mal, étaient comme autant de signes d'une petite santé. Et un paysan ne mariait pas une femme de faible constitution.

René avait aidé à l'installation de son frère, qui avait repris en métayage la ferme des Quatre-Chemins. Il s'était réjoui avec toute la famille quand un gros gain à la loterie lui avait permis de devenir propriétaire du domaine de Bon-Ru. Il avait été rassuré de constater que la jeune épousée savait tenir sa maison tout en participant aux travaux de la ferme. Et puis Fernand semblait si heureux avec elle...

Des rires d'enfants avaient bientôt retenti dans la ferme. Deux filles d'abord, Jeanne et Léona, puis Marcel, le garçon impatiemment attendu. Et enfin, la délicieuse petite Marthe.

René, lui, après quelques aventures sans lendemain, n'était pas parvenu à se fixer. Il était resté le seul célibataire de la fratrie. Ah ! si une Ida avait pu croiser son chemin...

Plongé dans ses souvenirs, René fut ramené à la réalité par une violente quinte de toux, au terme de laquelle Nestor, l'aîné des frères François, prit la parole :

— Vous savez pourquoi nous sommes réunis aujourd'hui. La guerre nous a pris Fernand, notre bon Fernand. Nous avons toujours considéré sa femme Ida comme la sœur que nous n'avions pas eu la chance d'avoir. Nous avons admiré son courage lorsque, réfugiée à Annonay, elle a fait face aux malheurs qui l'ont frappée : la mort tragique de la petite Marthe, l'annonce de la disparition au combat de son mari. De retour à Bon-Ru, elle a été atterrée par l'état dans lequel elle a retrouvé la ferme. Non seulement les bâtiments avaient souffert de la longue présence ennemie, mais les clôtures des pâtures avaient été arrachées, les champs, encombrés d'un bric-à-brac de matériel hors service, étaient creusés d'abris, de caches d'armes et de munitions, entaillés par de profondes tranchées antichars que les pluies avaient remplies. En plein désarroi, au lieu de profiter des offres d'aide que nous lui avons faites à ce moment-là, elle a préféré s'en remettre à ce Paul Vigoureux, de sinistre mémoire. Je n'ai pas besoin de vous rappeler que, prêtre, il a abjuré, qu'il a réussi à séduire la veuve de son frère, celle-ci étant morte peu d'années après lui avoir donné le petit bâtard de Camille. C'est un individu sans foi ni loi. Et voilà maintenant qu'il a réussi à circonvenir notre Ida !

— Que pouvons-nous faire pour que cette union n'ait pas lieu ? s'inquiéta René. Je n'aurais jamais pensé qu'après de nombreuses années de vie commune avec Fernand, elle eût un jour l'idée de le remplacer. Le seul souvenir des grandes joies, mais aussi des peines qu'ils ont partagées, du bonheur d'avoir mis au monde de bons enfants, d'avoir travaillé dur ensemble, d'avoir réussi à devenir d'enviés propriétaires, ajouté à l'honneur d'être la veuve d'un homme qui a rejoint le paradis des héros, tout cela aurait dû suffire à sa sérénité.

— Peut-être. C'est pourquoi nous sommes totalement désarmés face à la détermination d'Ida, regretta Nestor. La seule attitude que nous pouvons adopter pour marquer notre désapprobation, c'est de ne pas répondre à son invitation.

Ce fut alors au tour d'Abel d'intervenir :

— Ce qui me choque dans la décision de notre belle-sœur, pour laquelle, jusqu'alors, j'ai toujours eu le plus grand respect, c'est sa précipitation à remplacer Fernand. Je voudrais être sûr que c'est la raison qui la motive, et non pas le besoin d'un homme dans son lit.

— Tu es injuste, Abel, envers cette femme : du temps de Fernand, nous l'admirions tous pour ses qualités morales. Elle nous a confié il y a peu, que depuis son retour à Bon-Ru, elle n'a pu fermer l'œil qu'avec le fusil de chasse de Fernand au pied du lit. Plus que tout, elle craint les voyous de grand chemin qui sillonnent la campagne pour s'en prendre aux femmes souvent seules, dans les fermes isolées. Désemparée, elle a tout juste cherché de l'aide, poursuivit Sylvain, et pensé que Paul Vigoureux, l'ancien propriétaire de Bon-Ru, était le mieux placé pour la lui apporter. Quant au reste, Ida est encore une jeune et belle femme...

— Bon, reprit Nestor, faisons contre mauvaise fortune bon cœur ! Je propose que nous assistions seulement à la messe de mariage. Nous pourrions en profiter pour nous rendre au chœur de l'église pour y recevoir la ...

Caractéristiques

EAN13 9782841877690
ISBN 978-2-84187-769-0
Éditeur Archipel
Date de publication
Collection Terroir (3)
Séries Les terres meurtries (3)
Nombre de pages 244
Dimensions 10 x 10 x 2 cm
Poids 100 g
Langue français
Fiches UNIMARC S'identifier

Ce qu'ils en pensent

S'identifier pour envoyer des commentaires.

Bienvenue sur la libraire en ligne Librairie Dialogues

« C’est ici que l’aventure se mêle au vent de la mer » écrit l’auteur Pierre Mac Orlan. La librairie Dialogues est l’une des plus grandes librairies généralistes indépendantes de France. La librairie est située à Brest, à la toute pointe du Finistère.

Sur le site internet de la librairie Dialogues, vous pouvez retrouver tous les livres présents dans la librairie physique. Au fil des pages de notre site internet de vente en ligne, se déploie toute l'offre disponible en magasin physique, tous les livres disponibles dans la librairie, chaque tome, chaque éditeur. Vous trouverez également les conseils de vos libraires sur les livres qu'ils ont aimé lire, les sélections thématiques mettant en scène les livres (nouvelles parutions et ouvrages de fonds) en lien avec l'actualité et les coups de coeur des libraires, l'agenda des événements, les vidéos des rencontres avec les auteurs et les autrices, notre magazine Diagonale dans la rubrique Blog et nos podcasts : lien pour écouter les épisodes, et la bibliographie qui y est associée. Place également aux meilleures ventes, aux nouveautés, aux incontournables, aux curiosités…

L'offre de livres pour la librairie Dialogues en ligne

Que vous aimiez vous plonger dans des livres de fiction ou dans un essai d’histoire, que vous attendiez la rentrée littéraire avec impatience ou le nouveau tome de votre bande dessinée préférée, nous saurons répondre à vos attentes ! Sur le site de la librairie indépendante en ligne Dialogues, les nouveautés et les meilleures ventes sont indiquées pour chaque rayon.

La librairie indépendante en ligne vous propose toute son offre en livres : loisirs, sciences humaines et sociales, actualité, polar, livres en VO, écologie, féminisme, jeunesse, littérature, arts, développement personnel, jeux, littérature de l’imaginaire, fantasy, poésie, livres de cuisine, Young Adult, science-fiction, livres scolaires et parascolaires, livres de médecine, mangas, bande dessinée, comics, les livres sur la nature ou le monde de l’entreprise, romans pour adultes et pour la jeunesse, ebooks, les livres qui décryptent notre société, l’histoire de France, des ouvrages de droit, en format papier ou numérique.

Tous les rayons de la librairie Dialogues sont représentés sur le site. Toutes les éditions, tous les éditeurs et tous les tomes disponibles en magasin sont disponibles également sur le site grâce à la vente en ligne. La loi du prix unique du livre en France, la loi Lang, garantit un même prix de vente du livre partout, dans toutes les librairies physiques et en ligne.

La newsletter de la librairie en ligne Dialogues

Vous pouvez également vous abonner à notre newsletter qui vous donnera, chaque semaine, l’actualité de notre librairie et les coups de coeur et sélections de vos libraires. Le ou les livres qu’ils ont aimés dans tous les genres : loisirs, sciences humaines et sociales, actualité, polar, livres en VO, écologie, féminisme, jeunesse, littérature, arts, développement personnel, jeux, littérature de l’imaginaire, fantasy, poésie, livres de cuisine, Young Adult, science-fiction, livres scolaires et parascolaires, livres de médecine, mangas, bande dessinée, comics, les livres sur la nature ou le monde de l’entreprise, romans pour adultes et pour la jeunesse, ebooks, les livres qui décryptent notre société, l’histoire de France, des ouvrages de droit, de pédagogie...