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eISBN 978-2-8459-2486-4
Copyright © Presses du Châtelet, 2004.
Préface
Quelle joie que puisse se faire entendre la voix de l'incomparable sœur Sara !
À qui te comparerai-je, toi, Sara, aux qualités pour ainsi dire contradictoires? Toi si sérieuse et si rieuse, toi qui coopères si facilement avec d'autres, et qui sais commander seule d'une main ferme. Ton cœur sensible est vite blessé par une marque d'animosité et ta prière reste incessante pour ceux qui t'ont fait souffrir. Tu es à la fois contemplative et active car tu restes en même temps unie à Dieu et unie aux hommes. Tu appartiens à l'une des grandes familles pharaoniques et tu es d'une absolue simplicité. Tu es une authentique Égyptienne et une Européenne objective, aussi copte qu'universelle. Mais ce qui rend surtout la relation avec toi particulièrement attachante, c'est que tu unis la tendresse et la force. Ah ! oui, on peut s'appuyer sur toi, qui es disponible à toute heure du jour ou de la nuit.
Tu as un grand nombre d'amis, parmi les plus pauvres des chiffonniers, comme parmi les personnes de plus haut niveau. C'est ainsi que Jean Sage est devenu le merveilleux « ami Jean », lui qui a été, est et restera l'un de nos plus fidèles collaborateurs, aide efficace et indéfectible – ô combien ! — de tous nos projets.
Mais sœur Sara a eu aussi la chance de rencontrer Gilbert Collard, qui l'a secondée pour rédiger cet ouvrage, récit de la relation que nous avons entretenue pendant dix-huit ans. Je dois avouer que, par affection pour moi, elle a brossé un tableau où elle me met trop en valeur : elle ne raconte pas assez son rôle, qui fut capital dans le succès de nos entreprises.
Quant à Gilbert Collard, j'ai particulièrement appréci é la manière dont il met en relief l'importance de la prière dans la vie de sœur Sara. Il a cette jolie expression: « La prière du regard. » Il a su en effet découvrir à travers les paroles de sœur Sara la pratique de cette « prière du regard ». À la question : « Pourquoi priez-vous tant ? », elle lui répond simplement : « Comment ferais-je pour voir les hommes avec le regard de Jésus, si je ne priais pas ? » Vraiment, j'ai été à son école pour intensifier ma propre prière !
Il me reste à dire toute ma joie et ma reconnaissance à sœur Sara, qui bonifie merveilleusement tout ce que nous avons réalisé ensemble, et aux nombreux donateurs qui le lui permettent par leur fidèle générosité.
Mais une préface est aussi comme une lettre. J'en profite pour envoyer un mot à mes chers frères et sœurs chiffonniers et chiffonnières. Vous m'avez tous enrichie par votre amitié si fidèle, votre sens d'une chaleureuse relation entre vous et avec moi, source sans cesse jaillissante de votre bonne humeur et de votre joie. Sachez-le bien, chacun d'entre vous reste dans mon cœur et ma prière.
1
Une enfance dans la guerre
Le XXe siècle avait quatorze ans à peine – c'était un gamin ! L'Europe dominait l'univers. Sous les lambris, quelques nations gourmandes se partageaient le gâteau. Depuis plusieurs mois, on sentait, dans ses cachettes, frémir la guerre. On voyait, les unes après les autres, les lampes s'éteindre dans toute l'Europe1.
L'attentat de Sarajevo, où l'archiduc Ferdinand périt assassiné par la « main noire », fut le signe fatidique de la fin d'un monde. Ce drame dynastique entremêlant révolte, amour et mort emballa le cours des choses.
La guerre allait éclater sur un monde introuvable, tout en bonnes manières et en convenances ; le « monde d'hier », comme l'écrivait Stefan Zweig.
Le 2 août 1914, la France déclarait la guerre à l'Allemagne. L'ordre de mobilisation générale était lancé à l'adresse des « joyeux conscrits » en pantalons garance trop facilement repérables.
Gare des Batignolles, gare de l'Est, on voyait les paysans mobilisés, mégot au coin des lèvres, sourire insouciant d'adolescents étonnés. Dans le canon des fusils Lebel, des fleurs fratricides exhibaient leur indécente naïveté ; fleur au fusil, fleurs au caveau !
Des passants à grosses moustaches remplissaient du vin des provinces de France les gourdes des jeunes soldats qui attendaient le départ. Cette guerre, on la croyait juste, courte, belle, « fraîche et joyeuse », comme cette terre que tant de jeunes paysans abandonnaient.
La Belgique, le pays d'Emmanuelle, petit pays fier et courageux, se croyait protégée par un traité, bouclier de papier.
Le 4 août au matin, le village de Warsage, situé sur la route d'Aix-la-Chapelle à Visé, à une quinzaine de kilomètres de la frontière allemande, était envahi ; au même moment, la même violence déferlait sur tous les points de la frontière germano-belge. Les mauvaises nouvelles venues du front annoncèrent à la Belgique abasourdie la terrible invasion perpétrée par l'armée allemande, qui se ruait sur Liège. Le courage et la panique saisirent les cœurs ; un extraordinaire partage d'émotion s'accomplit.
« Les femmes et les enfants pleuraient en accompagnant les hommes à la gare ; les bourgeois se pressaient aux guichets des banques ; les paysans conduisaient leurs bestiaux dans les forêts pour échapper aux réquisitions ; les familles accumulaient des provisions ; dans les villes, l'indignation grandissait contre la félonie allemande ; la haine gonflait soudain ces cœurs hier encore tranquilles, la colère du lion belge allait se déchaîner2. »
C'était la guerre ! Albert, le roi combattant, prenait la tête d'une armée de soldats de plomb qui allait étonner le monde.
L'héroïsme des Belges brava la puissance germanique.
Et la France, toujours généreuse en décorations, remit la Légion d'honneur à la Belgique brisée.
Comme le spectacle, au cirque, après la mort du clown, la vie reprit cependant. Les familles retrouvèrent leurs habitudes ; ce n'était pas un casque à pointe qui changerait l'existence d'hommes libres. La manivelle se remit en marche, et la projection se poursuivit.
Ainsi, pour la famille Cinquin, ce dimanche de septembre 1914 se déroula comme de coutume; la mère et sa grande fille s'en étaient allées à la messe ; le père, sa plus jeune enfant et son petit frère, celui-ci sous l'autorité d'une discrète gouvernante, s'amusaient à la plage. Un vent violent et vivifiant soufflait sur Blanckenberghe, près d'Ostende. La plage était assombrie par un ciel lourd et gris. Une aveuglante couleur de métal couvrait le sable.
Comme d'habitude, il faisait très froid et la mer du Nord nouait d'énormes vagues, ces voraces rouleaux glacés qui vous fouettent le sang et donnent faim pour les moules frites des échoppes ambulantes. C'étaient les derniers jours de l'été. Madeleine et son petit frère, Jules, jouaient dans le sable, avec le vent. D'un œil larmoyant, la gouvernante, Mlle Lucie, surveillait les bambins. Assis en maillot à côté d'eux, leur père savourait le grand air.
Tandis qu'il respirait à pleins poumons, sa sainte femme et sa grande fille recevaient le souffle de l'esprit. Elles ne rataient jamais la messe. Lui croyait, mais sans pratiquer ; il croyait surtout en sa femme Berthe, qui dessinait les modèles pour l'atelier familial de confection de la rue de Brabant. C'était ce que l'on appelait alors « une femme de devoir ». Tout le monde l'aimait. Ses ouvrières pouvaient compter sur sa gentillesse. Si l'une tombait malade, Berthe lui rendait visite ; si une autre, telle la vieille Ernestine, se retrouvait sans argent à la retraite, elle prélevait de l'argent pour l'aider. Alors que sa famille jouait au bord des vagues, elle priait Dieu. Il la préparait à porter le drame de sa vie.
Les enfants fuyaient la fureur des vagues et protégeaient leur château de sable menacé par l'écume. Le père s'était jeté à l'eau, disparaissant et réapparaissant dans le tumulte. La mer semblait déchaînée ; les vagues le soulevaient, le brassaient, le malaxaient. Des dames en promenade s'étaient même arrêtées pour regarder le spectacle de cette empoignade avec la mer. La plus â...
Caractéristiques
EAN13 | 9782845922631 |
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ISBN | 978-2-84592-263-1 |
Éditeur | Presses du Châtelet |
Date de publication | 1 octobre 2008 |
Collection | TEMOIGNAGE, DOC |
Nombre de pages | 192 |
Dimensions | 22,5 x 14 cm |
Poids | 270 g |
Langue | français |
Code dewey | 271.97092 |
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