Film et sa musique

Ce livre est le résultat de nombreuses années de travail, de recherches et d'expérimentations dans le domaine de la musique dramatique. Il s'adresse au cinéaste et au musicien, débutant ou chevronné, mais aussi au cinéphile averti qui souhaite comprendre l'importance et le rôle de la musique dans un film.

Nous avons voulu offrir au cinéaste un outil qui lui permette de mieux communiquer avec ses partenaires compositeurs.

Au musicien, souvent trop polarisé par la valeur esthétique de la musique, nous avons voulu démontrer la nécessité de savoir y renoncer lorsqu'il s'agit de favoriser la fonction dramatique.

A tous les deux, notre intention aura été de montrer combien l’univers musical est plus riche en ressources dramatiques qu'on ne le croit, tout en soulignant la nécessité de développer un langage commun qui facilite la communication inter-professionnelle.

L’enjeu d'un tel ouvrage sur la musique de film n'est pas sans risque. Il s'agit de parler au cinéaste du travail du musicien et au musicien du travail du cinéaste.

La nature différente de ces deux univers est à la base de ce manque fréquent de communication entre ces deux professions qui, bien que travaillant souvent ensemble, s'ignorent mutuellement sur le plan de la technique et de l'esthétique. Cinéastes et musiciens ne communiquent en effet que par l'idée qu'ils se font chacun de la profession de l'autre.

Ceci peut se comprendre car il n'existe pas, actuellement, de langage spécialisé de la musique de film grâce auquel scénariste, metteur en scène et compositeur puissent dialoguer.

Un discours clair exige des expressions bien définies. Sans tomber dans la création de néologismes, nous avons introduit de nouvelles expressions pour nommer certains sujets dont le flou conceptuel ne permettait, jusqu'à présent, qu'un contact approximatif.

Il existe dans l'univers musical des ressources délaissées par la musique de concert, qui ont une valeur inestimable dans un contexte dramatique. Ces ressources impliquent, dans notre classement, d'avoir recours à des concepts tels que ceux de "transparence", "présence", "densité", "déformation temporelle", "déplacement de la provenance" ou "musique minimale", pour n'en citer que quelques uns ; ou encore de l'application pure et simple de phénomènes courants dans le cinéma, tels que l'effet Koulechov.

C'est ainsi que la musique possède une panoplie dont la symbiose avec l'image peut atteindre un pouvoir expressif capable de rendre tout dialogue superflu.

Et pourtant, on ne demande bien souvent au compositeur, même chevronné, que de créer une belle mélodie et de savoir ponctuer les passages dramatiques par une illustration redondante ou, dans un effort suprême d'imagination, contrastante...