Mirontaine sta leggendo

"Il n'y a plus de chemin, il n'y a plus de ligne droite. Ma vie a pris feu, et cet embrasement soudain a signifié sa mort et sa naissance. J'ignore de quelle enfance, de quels manques, de quelles solitudes est né ce sentiment qui me lie à vous, mais moi qui ai toujours éprouvé la nécessité de chercher quelque chose et qui ne savais pourtant pas ce que je cherchais, qui me suis toujours sentie entraînée dans un mouvement qui me poussait éperdument vers un avant qui me faisait peur, dont je n'osais avouer l'effroi mais que j'ai écrit, parfois, dans mes livres, je songe que, dans vos bras, la course s'est arrêtée. La course s'est arrêtée enfin. Je ne sais pas pour combien de temps, je ne veux pas le savoir: je ne veux pas que l'avenir dessine à nouveau sa trajectoire. Avec vous j'ai compris que le sentiment d'éternité ne s'inscrit pas dans l'avenir, mais dans la profondeur et la défaillance vertigineuse du présent."

Gwenaëlle

Un temps fou est d’abord et avant tout une histoire d’amour. La rencontre éternellement recommencée entre un homme et une femme. Maud et Vincent se sont déjà vus une première fois, six ans auparavant. Toute une longue soirée sur un canapé à partager des confidences. Et puis, un grand blanc. Elle n’a jamais pu oublier ce moment et quand, des années plus tard, il l’appelle pour lui proposer une collaboration, elle ne peut pas dire autre chose que « oui ». Oui aux retrouvailles, oui au travail commun, oui à l’amour, qui tel une évidence, surgit entre eux.

J’ai distingué deux parties dans ce livre. La première, que je qualifierais de montée en puissance de cet amour et la seconde qui illustre, comme sur un graphique, par un jeu d’allers et retours entre passé et présent, les creux qui suivent inévitablement l’apogée, symbolisée par l’acte charnel, la consommation de l’amour. L’attente et l’écriture énergique se conjuguent pendant les cent quarante premières pages pour faire croître l’intérêt du lecteur. De beaux passages où le froid de l’hiver se mêle à la chaleur des cœurs qui battent à l’unisson. Curieusement, la narratrice évoque sa mère mais moi, c’est la figure paternelle que j’ai surtout distinguée en filigrane de ce récit. Car c’est d’un amour inconditionnel que rêve Maud et quand elle évoque ce Vincent désiré, on a parfois l’impression d’un nourrisson découvrant dans le brouillard de sa vision la consistance et l’odeur du corps de son père.

On devine chez Maud un vide immense, un manque, une attente insupportable qu’elle ne semble pas savoir combler autrement qu’en se jetant éperdument dans cet amour fou. Mais de l’amour rêvé à l’amour réel, il y a loin et Maud sera forcément déçue.

Néanmoins, en dépit de la blessure infligée, Maud continue à voir de temps en temps Vincent et peu à peu, entre eux, c’est un autre sentiment qui s’épanouit. Une complicité amicale, une entente secrète et précieuse tissée des rêves, des peurs et du temps qui passe.
Il ne vous faudra pas un temps fou pour lire ce roman qui évoque très justement une certaine forme d’amour, un peu bancale, vouée à l’échec, mais qui ressemble parfois à un passage obligé pour mûrir. Comme si la femme ne pouvait être pleinement femme qu’une fois détachée de l’impératif amoureux. Une belle réflexion en forme d’histoire…