Le libraire m'avait mise en garde ! J'ai persisté ! Je l'ai dévoré ! Mais jamais un livre ne m'avait autant dérangée, secouée, écœurée, bouleversée ! Un livre obsédant et dérangeant qui nous donne envie d'hurler à l’héroïne écorchée vive surnommée Turtle : "CE N'EST PAS NORMAL ! VA T'EN !!!!!!". Merci à la librairie La Fabrique pour cette découverte !
L’Amérique profonde : celle qui scolarise à peine ses enfants, qui adule les armes à feu et craint la fin du monde.
Au bord de l’océan, dans une petite ville de Californie, Martin élève seul sa fille. Il la conditionne à l’arrivée de la fin du monde. Seul compte pour lui l’éducation aux armes à feu.
Julia, ou plutôt Turtle, surnommée Croquette par son père, sait démonter et remonter ses armes les yeux fermés, et elle en prend soin.
L’Amérique profonde : Martin revient un jour avec une petite fille Cayenne trouvée sur un parking.
Ce sont ces éléments du roman qui m’ont le plus marqués.
Oui, bien sûr, il y est question de l’inceste entre Turtle et son père ; de la descolarisation de Turtle ; de son professeur Anna qui tente de la sortir de sa situation ; de la découverte de l’amour grâce à Jacob ; de la relation père-fils conflictuelle et grand-père – petite fille plus apaisée ; de la nature sauvage présente à chaque page, celle qui reprend le dessus sur l’homme quand on la laisse faire.
Un roman riche de sujets, vous l’aurez compris.
Mais le style m’a rebuté : trop âpre, allant à l’essentiel. Nous présentant les faits avec pour seul lien logique « et ».
Tout ces jurons que les personnages répètent sans cesse m’ont lassé également. Putain et Bon dieu, à la longue c’est un peu court.
Je suis allée au bout de ma lecture, heureusement pleine d’espoir (on est en Amérique).
Une lecture qui m’a poursuivi longtemps.
Un premier roman remarqué, mais qui aurait mérité quelques coupes. Je crois que nous attendons tous le suivant.
L’image que je retiendrai :
Celle de la marée montante lors de la pêche à l’anguille.
Une citation :
Et c’est difficile parce que c’est assez naturel de penser que ton père te déteste pour une raison valable. On a presque envie de le croire. C’est plus simple que de penser que sa haine est insondable. Ca n’a aucun sens aux yeux d’un enfant. (p.200)
Ce premier roman n’est pas un roman percutant, c’est une déflagration ! Dès les premières pages une incroyable tension s’installe. Elle ne nous quittera pas. On retrouve bien l’esprit des editions Gallmeister et on pense au formidable drame de David Vann: Sukkwan Island !
Les descriptions propres au « nature writting » sont superbes, très précises, érudites parfois, n’empêche, chacun se fera sa propre idée, son film , de l’environnement du roman !
Résolument écologiste l’auteur glisse avec force ses idées dans la bouche de ses personnages, et les descriptions de la nature viennent feutrer les atmosphères si pesantes parfois. Mais la nature est parfois hostile. Aussi, les armes sont très présentes dans ce livre, et à portée de tous, même des enfants, ce qui interpelle. Gabriel Tallent a un sens du suspense inouï. Et quel souffle exceptionnel pour maintenir le lecteur en apnée !
Il y’a aussi une histoire d’amour dans le drame, l’ultime rempart à la désolation, à laquelle personnages comme lecteurs peuvent se raccrocher!
Est ce donc ça l’amérique que l’on déteste ? C’est de la littérature dérangeante comme dit François Busnel de "la grande librairie" . Aucun lecteur n’oubliera cette sacrée gamine ! Terrifiant.
L'histoire de Turtle, quatorze ans, n'a jamais été simple et ne le sera jamais. Auprès d'un père adoré et détesté à la fois, sa vie est réduite à sa passion pour les armes, à l'exploration de la nature avoisinante et à son échec scolaire. La résilience qui l'accompagne se transforme peu à peu en peur et en désir d'autre chose, d'une vie différente. Autour de personnages marquants, My absolute darling nous transporte dans le destin hors du commun de cette jeune fille hors du commun.
L'écriture de Gabriel Tallent nous entraîne au plus profond de l'âme de ses personnages, mais aussi de ces paysages empreints d'une grande beauté. La nature, les odeurs et les bruits se dévoilent à nous avec une impressionnante clarté ; la Californie est décrite telle qu'on la connaît peu, comme un milieu sauvage où tout peut arriver.
Ce roman est un texte dur, à ne pas mettre entre toutes les mains, mais qui semble pourtant être indispensable, et qui nous offre un regard sur la nature de l'Homme dans sa plus grande cruauté, mais aussi dans sa force de construction dans un environnement malsain. My absolute darling est le roman de l'indicible, de la peur et de l'affirmation de soi.
Turtle a 14 ans, elle vit en lisière de la société, pleine nature sauvage ou ce qu'il en reste, avec son père, Martin. Son père, son amant aussi, son pervers. Elle apprend à tirer, elle connait les armes, leur maniement, elle connait les araignées, les scorpions, la forêt. Lui pense que le monde est sur sa fin, que tous les signes sont là pour dire que l'inéluctable est proche. Les animaux disparaissent, la nature avec, tout semble fichu. Lui se complait, se plait dans sa relation incestueuse, crasse et violente avec sa gamine, sa " croquette " comme il l'appelle. Croquette. Aliment pour chien, chat. Fille de Martin. Abusée, frappée, humiliée, rabaissée. Le grand père tente de s'y opposer, en vain. Personne ne voit rien, ou laisse faire. Turtle, elle (qui n'a rien d'une tortue), de son vrai prénom Julia, subit, s'endurcit, se laisse faire, consent, se résigne, survit.
Ce roman est une histoire de survie, de lutte, d'acceptation de l'inacceptable, de relation de l'ineffable. Gabriel Tallent, jeune trentenaire qui fait plus vieux que son âge, a mis huit ans à l'écrire, nous apprend on.
Comment, à 20 ans, a-t-on l'idée de produire un tel conte cruel? Comment décrit on avec tant de justesse, de maîtrise, l'animal humain? Comment décrit-on si remarquablement une vie pourrie, de fond en comble, vermoulue, vénéneuse comme le sumac du premier paragraphe?
On pense à David Vann, parfois, autre auteur Gallmeister, on pense à Donald Ray Pollock, un peu aussi. On pense surtout tenir entre nos mains un terrible roman, sans longueurs, sans fautes de goût, dégeulasse comme il faut, qui met en évidence toute la nécessaire exigence de la littérature à montrer l'immontrable, à créer, parfois, des personnages extrêmes, tempétueux, infréquentables, capables de façonner des êtres increvables, immortels, résistants, plus grands que leur vie fétide.
Pour une fois, Stephen King aura raison de parler de " chef d'oeuvre ", lui qui n'aurait jamais osé écrire un tel livre.