Yv

Court préambule avant de parler de cet étrange roman. Écrit à quatre mains, par Christophe et Nathalie Prince, et finalisé par la seule Nathalie Prince, puisque son mari est décédé fin 2017. Je le connaissais sous son pseudonyme de Boris Dokmak ("Les Amazoniques" et "La femme qui valait 3 milliards") et dire qu'il m'avait impressionné est un euphémisme. Ces deux romans furent de véritables coups, ce genre de livres inoubliables (particulièrement "Les Amazoniques", avec ses références et goût du "Voyage au bout de la nuit" de Céline ou d'"Apocalypse Now" de FF Coppola). Apprendre qu'il est décédé à cinquante ans m'a fait une sensation bizarre et je remercie son épouse pour l'envoi de ce roman si joliment dédicacé.

"Nietzsche au Paraguay" est moins flamboyant que les deux précédents, mais plus original, plus étrange, ce qui en fait un roman très attirant. Pour remettre les choses dans le contexte, il faut savoir que la Nueva Germania fut une réalité, menée par la sœur de Nietzsche et son mari (Elisabeth Nietzsche fut, à la fin de sa vie, en accord avec les théories nazies). Se greffent sur cette réalité, des personnages de fiction, mais les notes de bas de pages, les envois vers des œuvres littéraires existantes ou fictives brouillent les pistes pour qui voudrait connaître précisément la frontière entre le réel et l'inventé. Ce n'est pas mon cas, embarqué que je fus dans cette histoire folle et menée de mains de maîtres. S'ajoutent à l'histoire racontée par Virginio, des extraits de son livre de bord, des lettres de Friedrich Nietzsche – dont la santé mentale faiblit en la fin 1888 – il finira interné, dans un état mental quasi végétatif –, des fiches de renseignements écrites par le Doktor Förster.

Inclassable, original, ce roman montre la folie des hommes lorsqu'ils s'enfoncent dans des théories de supériorité des uns par rapport aux autres, cinquante ans avant l'arrivée de Hitler au pouvoir. Il parle de l'aveuglement des moins forts prêts à suivre n'importe qui leur promettra une vie meilleure même si c'est au détriment d'autres, enfin, je ne vais pas vous la faire sur la théorie nazie, sur l'antisémitisme ces pensées et doctrines immondes qui ont tendance à resurgir, menées par des tarés frustrés, envieux et cons. Il montre bien également la montée de la folie chez un grand penseur de la fin du XIXe siècle.

C'est un roman foisonnant, un truc comme on en lit peu. Raison de plus, s'il en fallait une, pour s'y plonger.