Michaël L.
Par la Terre et par le Sang...

C'est dans une très belle langue que Piergiorgio Pulixi nous invite à découvrir l'île qui l'a vu naître, et qu'il décrit à merveille. Quand deux inspectrices se retrouvent confrontées à des meurtres rituels remontant à la nuit des temps, leur vie bascule dans un monde où l'horreur se dispute au sordide. Mara la Sarde révoltée à l'humour dévastateur et Eva la continentale en quête de rédemption vont devoir s'affranchir des puissants qui dirigent la Sardaigne et affronter la Terre et le Sang de l'ancestrale civilisation Nuragique. Empreinte de féminité, entre roman noir, polar ethno et thriller, cette "Île des âmes" va vite devenir un incontournable de la littérature italienne dans ce qu'elle a de meilleur !

Alex-Mot-à-Mots
Italie, policier

Un polar italien ? Plus que ça : un polar sarde. Une plongée dans un des mythes de cette île mystérieuse beaucoup plus verte que je ne le pensais.

J’ai aimé le duo d’enquêtrices relégué aux cold case, mais qui ne lâche pas l’affaire.

J’ai aimé que leur patron les couvre, même quand l’enquête implique des personnes haut-placées.

J’ai aimé le vieux collègue, proche de la mort à cause de son cancer, qui les guide et leur fait confiance pour résoudre les 2 enquêtes que lui n’a jamais pu boucler et qui le hantent.

J’ai aimé la tribu si particulière des Ladus qui pratique un rite de sacrifice à la Terre. Et j’ai aimé que les deux histoires s’entremêlent.

J’ai découvert la civilisation nuragique.

La première enquête de Mara Rais qui n’a pas sa langue dans sa poche et Eva Croce la milanaise dont la petite fille est décédée.

Il est certain que je lirai leur prochaine enquête.

L’image que je retiendrai :

celle du totem de la Déesse Mère bien caché dans une grotte connue des seuls Ladus.

https://alexmotamots.fr/lile-des-ames-piergiorgio-pulixi/

Eric R.
Addicitif et somptueux

Le roman policier est un genre qui colle de plus en plus à l’état de la société. Avec ce 1er roman édité en France, Pulixi confirme ce principe. Fini les policiers mâles, solitaires, en proie à des doutes existentiels. Place aux femmes flics, aussi tourmentées mais porteuses d’autres qualités, d’autres défauts. Dans « L’île des âmes », ce n’est même pas une policière qui enquête mais deux agentes cabossées par leurs vies personnelles et dézinguées dans leur vie professionnelle: la locale Mara Rais aux tailleurs impeccables et Eva Croce, la milanaise au blouson de cuir et piercing. Aussi différentes l’une que l’autre, écartées des enquêtes majeures par leur hiérarchie, elles vont devoir faire équipe, contre leur volonté, et rouvrir des cold-case.
Femmes flics, mais aussi meurtres rituels trouvant leur origine dans des mythologies locales nous renvoient immédiatement au pendant espagnol de Pulixi, les romans de Dolores Redondo dont le fameux « La gardien invisible ». Ce sont ici des croyances sardes qui expliquent peut être des meurtres horribles accompagnés d’un rituel ancestral. Les enquêtes renvoient à un passé lointain, éléments permanents culturels d’une société en mal de repères. Ainsi ces romans installent leur intrigue dans une région spécifique, décrite minutieusement, cherchant les tréfonds d’une culture dans ses rites païens mais aussi dans ses paysages, ses odeurs, ses plantes, ses pierres. Ici c’est la Sardaigne qui est le décor d’une enquête menée rondement où chaque court chapitre renvoie le lecteur à de nouvelles incertitudes.

Après une mise en place assez lente mais indispensable, le rythme s’accélère et d’allers retours permanents de personnages en personnages et de lieux en lieux, le lecteur est pris dans un tourbillon, les pièces posées sur l’échiquier dévoilant au gré de leur déplacement de nouvelles perspectives jusqu’à la conclusion inattendue. Le surnaturel côtoie le quotidien, les paysages paradisiaques et magnifiquement décrits de la Sardaigne deviennent parfois les lieux sacrificiels abominables. Très documenté, le récit baigne dans l’anthropologie, l’histoire, la religion, et les croyances de la civilisation nuragique fondée sur la nécessité de sacrifices humains pour ensemencer de son sang, la terre.

Un polar ne saurait aujourd’hui se limiter à une intrigue et Pulixi soigne particulièrement les personnages tant principaux que secondaires. On s’attache à ce vieux flic en fin de vie, hanté par ses meurtres anciens non résolus, on soupçonne chaque intervenant y compris au sein de la police et le duo Rais Croce, mérite une attention particulière. Autant que la résolution de l’intrigue, la découverte du passé des intervenants pousse le lecteur dans ses derniers retranchements.

Eric