Clara

BW ce sont les initiales de Bernard Wallet le compagnon de Lydia Salvayre. Et comme Paysages avec palmiers m’a beaucoup marquée, j’avais envie d’en savoir plus sur Bernard Wallet car dans son récit sur Beyrouth, on devinait entre les lignes une grande sensibilité .
En 2008 à soixante-deux ans, BW a un grave problème aux yeux. S’en suit une opération pour le résoudre et une cécité temporaire. Ancien éditeur chez Verticales (maison d’édition qu’il a fondée) et passionné de lecture, Sylvia Salvayre a couché sur papier leurs échanges, lui a posé des questions alors qu’il était plongé dans le noir (dans les deux sens du terme).
"Excessif " , BW c’est également l’envie de partir collée au corps «"Toujours il dit Je pars, je me tire. ". De son enfance à Clermont-Ferrand et de sa première fugue à treize ans, de ses voyages complètement fous à des passages en prison, de l’escalade avec un culot monstre à ses excès, de sa sélection en course de fond pour les JO de Mexico auxquels il ne se rendra pas à la dernière minute, BW a eu plusieurs vies en une seule.

Entre ses coups de gueule et de belles déclarations d’amour à la littérature (et comment il la conçoit) "Ce qu'il aime d'emblée dans un texte se situe dans ce que l'auteur tente de dire d'une expérience concrète du froid qui le transit, de la peur qu'il redoute, de la joie qui l’exalte, du chagrin qui le tue ou de la main brûlée qui écrit des phrases sur le feu. Ce qu'ils aime d'emblée c'est le halètement qui dans les mots imprime. Rien d'autre que ce halètement. Rien d'autre que la musique de ce halètement. Rien d'autre.", on perçoit la complicité, les rires et l’amour qui l'unit à Lydia Salvayre.
Ses excès, ses défauts ("Je suis têtu. Têtu et rancunier. Je ne sais pas accorder mon pardon. Je m'emporte. (...).Je quitte par désespoir. Je punis par désespoir. Je suis injuste par désespoir") et ses faiblesses : tout y est dit.
Si certains y verront un grincheux, mélancolique et seront dérangés par certains de ses propos (Bernard Wallet ne ne mâche pas ses mots), j'ai beaucoup (mais vraiment beaucoup) aimé le portait de cet homme imparfait qui "glisse des coquelicots entres les pages de ses livres", anticonformiste, non lisse et passionné (au sens le plus profond : par les tripes, le cœur et l’âme).

"Car voilà, BW peut s'engager sur une passerelle branlante au-dessus d'un gouffre népalais, tandis que les trois mots injustes d'un médiocre, la volte-face d'un lâche, la morgue d'un idiot, un jugement méchant, un commérages, une indélicatesse, une sournoiserie, une imputation calomnieuse, le laissent anéanti. C'est là sa faiblesse."

"Cruelle, violente, voluptueuse, vivifiante, raffinée, grinçante, raffinée, ravageuse, légère, légère, radieuse, délicate, ironique, la littérature nous secoue, elle nous fait mal, elle nous brûle, elle nous caresse, nous revigore, nous désespère, elle nous élève, dit BW hésitant, mais est-ce bien le mot ? en tout cas, elle nous rend à nos forces, à nos foudres, à nos failles, elle nous renvoie à nos dilemmes, à nos impasses, à nos enfers, et dans le même temps, nous en arrache et nous emporte bien au-dessus de nous."