Je ne doutais pas du bien fait du travail des décomposeurs de sol. Et je suis ravie que ce roman les mette enfin en lumière.
J’ai aimé Arthur et Kevin, si différents et pourtant si complémentaires ; les voies différentes qu’ils prennent pour un même but : développer la présence des vers sur un ancien champ utilisant les phytosanitaires et pour recycler en masse.
J’ai été désolée que Philippine ne fasse que reproduire un comportement de classe pour arriver à ses fins : prouver à son père qu’elle est capable de créer et diriger une société.
J’ai aimé les deux visages du Bouddha : celui qui finance une start-up, et celui qui accompagne Léa la naturopathe.
J’ai aimé les dualités du roman : les deux visages du Bouddha ; les réseaux des élites et ceux des vers de terre ; Arthur lettré issu d’une famille aisé et Kevin qui a profité de l’ascenseur social et dont les parents sont de modestes travailleurs attachés à aucune terre et toujours prêt à partir.
J’ai découvert Bookchin et l’écologie sociale, mais aussi la doche (une mauvaise herbe tenace).
J’ai aimé le voisin Jobard, le fait qu’Arthur le prenne comme tête de turc sans vraiment le connaître.
J’ai aimé que les deux hommes fassent l’amour à la terre chacun à leur façon.
J’ai aimé que Kevin découvre la musique classique avec la Chaconne de Bach.
Mais j’ai trouvé déplacé la présence d’un canapé Chesterfield dans une vieille ferme délabrée.
Enfin, j’ai aimé que l’auteur montre que les vers de terre réussissent l’androgynie perdue de Platon.
Quelques citations :
Il trouvait étrange cette manière des riches de vouloir à toit prix invoquer la justice au service de leur confort. p.224
Prométhée, Allah, Khnoum, Parvati, Viracocha, ils sont tous d’accord pour une fois : pour souffler la vie, pour pétrir le Golem, il faut de la glaise, de la boue, de la mère, quelque chose d’élastique et de spongieux. p.247
L’image que je retiendrai :
Celle des deux jeunes hommes les pieds dans l’eau, la nuit, rêvant de leur avenir sous les étoiles.
Gaspard Koenig offre un conte philosophique au point de départ écologique qui analyse notre actualité avec précision et ironie jubilatoire. Humus est un roman d’apprentissage pour deux jeunes hommes qui seront anéantis par notre époque. En cela, il s’inscrit dans la tradition littéraire du 19ème siècle. Mais, entre la désobéissance civique prônée par certains quaternaires et le terrorisme écologique qui se profile chez les plus jeunes, est-ce que le capitaliste vert, libéral et écologique, défendu par Gaspard Koenig sera suffisant. À vous de vous faire votre propre opinion ! Mais, c’est peut-être le prochain Goncourt ?
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2023/11/02/gaspard-koenig-humus/
Chacun à sa manière, deux étudiants en agronomie se passionnant pour les vers de terre en assistant à un cours sur le sujet. L'un veut réintroduire des lombrics dans la terre de son grand-père, traitée par des pesticides pendant des décennies. L'autre s'intéresse plutôt à l'aspect commercial et veut se lancer dans la commercialisation de lombricomposteurs individuels puis industriels.
Gaspard Koenig parvient à intéresser le lecteur aux vers de terre sur près de 400 pages et délivre un roman original et très contemporain, qui évoque l'écologie, la nature, la vie à la campagne, entre autres.
Kevin et Arthur se rencontrent pendant leurs études d'agronomie et se prennent de passion pour le lombric et son super-pouvoir de régénération des sols. Sans jamais perdre contact, ces deux jeunes suivront des trajectoires professionnelles bien différentes, les éloignant de leur milieu social d'origine. L'auteur nous emmène avec le même entrain d'une levée de fonds à San Francisco aux champs saccagés par l'agriculture intensive de la ferme familiale en Normandie, d'une réunion de jeunes entrepreneurs dans la villa du Perche de L'Oréal à un soulèvement en apothéose dans le Jardin du Luxembourg. Et si vous vous êtes toujours demandé à quoi ressemble une battue aux vers de terre, ce livre est fait pour vous.