Clara

En septembre 2012 dans un laps de temps très court, trois personnes se sont jetées sur les voies du RER dans les Yvelines près d'où l'auteur habite. Des morts relayées par ce message de la SNCF qui prévient du trafic interrompu et retardé "Suite à un accident grave de voyageur". Pas plus. "Neutraliser la zone d'inquiétude avec des termes propices à l'oubli, inoffensifs et creux. "Mal nommer les choses, jugeait Camus, c'est ajouter au malheur du mode". Ne pas les nommer, c'était nier notre humanité".

Eric Fottorino est un utilisateur du RER comme tant d'autres. Frappé par ces morts, il cherche des informations. Les journaux ne mentionnent que le retard des trains. Aucun nom d'écrit pour chacune des trois personnes. Leurs souffrances, leur désespoir sont tus comme si elles n'avaient jamais existé. Oubliées au plus vite car seul le temps compte. Sur un forum, des usagers déversent leur colère violente " Un suicide, dans les transports en commun, c'est plus que que gênant, c'est irritant, c'est ennuyeux, c'est un agacement de plus, une tracasserie dont des milliers de personnes n'ont pas besoin." D'autres vont plus loin avec un cynisme qui m'a coupé le souffle. Chacun défend son temps précieux.
Et il y a ceux qui sont touchés, marqués à jamais par ce qu'ils ont vu.

L'auteur ne se fait pas moralisateur ou ne se donne pas le beau rôle " Combien de fois ai-je moi-même pesté à l'annonce d'un retard dû à un "accident de voyageur" ? Suis-je donc insensible aux autres ? Il nous parle de la déshumanisation et de l'individualisme. Il s'interroge sur les situations qui conduisent à cet acte.
Avec ce livre fort, il donne une dignité à ces voyageurs morts et leur rend un très beau et vibrant hommage. Une lecture dont on sort pas indemne.