Ameline B.
La mauvaise recette.

Des ingrédients qui font de ce livre une oeuvre fade.

Clara

La parution de ce livre avait entraîné sur son passage une frénésie, une effervescence assez inhabituelle à Brest. Sur toutes les lèvres, dans tous les lieux, une seule question revenait « alors, vous avez lu Paris-Brest de Tanguy Viel ? ». S’en suivaient des commentaires élogieux. J’avais retenu que l’auteur décrivait sans concession les habitudes de ces familles qui arpentent la rue de Siam , le cours d’Ajot et qu’il jetait le pavé dans la mare familiale. Trop imprégnée de tout ce qui avait pu être dit sur ce livre, je m’attendais à autre chose. Et, mon avis avait été très mitigé.

Comme c’est un livre qui fait partie de la sélection du Prix des Lecteurs du Télégramme, je l’ai relu.

Le narrateur, Louis, revient à Brest après être parti à Paris durant trois ans où il a écrit un livre. Entre présent et passé, on apprend l’histoire de sa famille. La grand-mère devenue riche après une rencontre au Cercle Naval, l’appartement avec vue sur la Rade, sa mère qui guette l’argent qu’elle héritera, le père accusé d’avoir détourné de l’argent et obligé de démissionner de son poste de vice-président du club Brestois, son copain Kermeur une mauvaise fréquentation selon sa mère. Des parents exilés à Palavas-les-Flots à a cause du scandale, Louis restera à Brest. Puis, l'occasion pour Louis de partir à Paris et se défaire, d’écrire son histoire après un mauvais coup effectué avec le fils Kermeur.

Et là, le style très parlé de Tanguy Viel m’a plongée dans une atmosphère où je me sentais bien. Parce que ce qu’il écrit se juxtapose à Brest, les apparences jouées dans ce théâtre où chacun connait on rôle sur mesure. Rien n’a changé, le dédain s’affiche toujours sur des visages hautains, fiers car le père ou le mari est Officier de Marine. Et enfin, il y a l’argent et les quand dira-t-on, et l’on s’imagine croiser à l’angle d’une rue le fils Kermeur.

Mon bémol sur l’intrigue est compensé par le style, qui cette fois, m’a conquise. Ironie teintée de vitriol pour décrire les mœurs et l’hypocrisie qui compose avec une écriture très vivante comme pour rendre hommage à la beauté naturelle de la côte.

Isabelle S.

On pourrait demain les croiser rue de Siam, cours Dajot ou sur le port. Les personnages de Paris-Brest, le dernier roman de Tanguy Viel sont gens ordinaires, d’une banalité qui nous fait sourire… et nous donne froid dans le dos :
Le père, ancien vice-président du Stade Brestois, accusé d’être à l’origine d’un trou dans les caisses du club.
La mère, serre-tête en velours et après-midi de bridge, froide, incapable de tendresse, de ces femmes qui s’attachent à tenir leur rang, à défendre leur réputation quoi qu’il arrive.
La grand-mère, devenue l’héritière d’un plus vieux qu’elle parce qu’elle lui a donné le bras pour descendre les marches du Cercle Marin.
Le fils Kermeur, le petit voyou, la mauvaise graine, qui depuis l’enfance entraîne le narrateur dans ses mauvais coups.
Un mauvais coup particulièrement réussi donne à Louis la liberté de quitter Brest pour Paris, une belle liasse de billets dans son sac, au moment même où ses parents, partis cacher leur honte à Palavas-les-Flots, reviennent dans le Finistère après des années d’ «exil ». Car il fallait qu’il s’en aille, Louis, pour échapper aux humiliations, aux non-dits. Pour devenir quelqu’un, un écrivain peut-être, faute d’être doué pour le football.
Dans une petite chambre avec vue sur le Jardin du Luxembourg, Louis a écrit son roman. Cent soixante-quinze pages qu’il emporte dans le train qui le ramène à Brest, le 20 décembre 2000 : « Tout le monde devrait faire le point sur son histoire familiale, ai-je pensé, particulièrement un 20 décembre, c’est-à-dire un jour où il est important d’être soutenu dans l’épreuve d’aller passer Noël en famille, y compris les gens qui se disent heureux d’y aller, tandis qu’au fond d’eux-mêmes, comme tout le monde ils rêvent d’écrire un roman sur leur propre famille, un roman qui en finit avec ça, les veilles de Noël et les parenthèses mal fermées. »
En refermant le livre, on se dit que Tanguy Viel l’aime vraiment, cette ville « qu’on dit avec quelques autres la plus affreuse de France, à cause de cette reconstruction malhabile qui fait des courants d’air dans les rues, à cause d’une vocation balnéaire ratée [...] à cause de la pluie souvent, de la pluie persistante que ne savent compenser les grandes lumières du ciel ».
Par la maîtrise du style, l’humour, l’habileté de la construction, il signe là son meilleur roman et une belle réflexion sur la littérature.