Céline V.

Un roman d'amitié, d'amour, d'intergénération... Un roman est la collocation est un art de vivre...
Laetitia

Mélo
Brutalité et sensibilité

Les premières lignes sont crues, on se les prend en pleine face :
« -Tu n’es qu’une pute, espèce de macaque, une salope descendue de l’arbre. Et moi je suis le messager de Dieu. File-moi ton 06, file le moi ! »
Et mon cœur était déjà au bord des lèvres lorsque la femme blonde, passagère du train et spectatrice de l’agression, entame un dialogue avec l’agresseur :
" – Vous comprenez que vous lui faites peur ? Qu’elle est seule devant vous ?
- Non mais c’est elle qu’a commencé. j’me suis assis pour causer, c’est tout. j’voulais son numéro et comment elle a gueulé, là..
- Vous êtes grand. Et puis vous parlez fort, vous vous énervez. Vous êtes impressionnant, vous vous en rendez compte ?
La femme a un regard direct. Quelque chose le touche, qu’il ne sait pas nommer, qu’il ne reconnaît pas – sa bienveillance. La vague de fureur reflue en lui, recule, s’évanouit. »

Sauf quand on les aime est âpre, cru et assez sombre. La peur domine. L’histoire se déroule à Toulouse autour de quatre jeunes colocataires. Tisha est la dernière arrivée, grande black sanguine qui n’a pas la langue dans sa poche -un peu agaçante, d’ailleurs-. Elle s’installe avec Claire, jeune fille un peu effacée et délicate jouant du violoncelle, Juliette, déjà orpheline qui bosse dans une maison de retraite et Kader intérimaire sur des chantiers par nécessité.
Toute la réalité sociale nous pète au visage. Précarité de ces jeunes qui aimeraient pourtant se construire un autre présent. Violence du quotidien, peu de perspectives d’avenir. Et ça fait mal, ça lacère le cœur et ça étouffe. J’ai souffert en parcourant ces pages en même temps que les personnages. Même le voisin, monsieur Bréhel, s’étrangle dans sa solitude… Et puis il y a l’amour. Pas aussi simple qu’on le voudrait. Kader aime Juliette mais Juliette aime Ethan, beau personnage insaisissable, électron libre avide d’indépendance et de sérénité.
Le roman est divisé en 3 parties, 3 étapes pour nos colocataires. Et si je trouve qu’on s’embourbe dans un marasme trop sombre et citadin pendant les deux premières, j’ai enfin pu respirer – un peu – à la troisième. La plus belle et la plus réussie, à mon sens. Avec des descriptions de la Tunisie et des sensations qui permettent de relâcher le souffle.
Ce qui est sûr c’est que les mots sont justes, même s’ils font mal, que le rythme est soutenu et la langue moderne, citadine, frappe dans toute son honnêteté.
Un titre dur mais non sans espoir, qui saura être apprécié de tous mais qui, je pense, touchera surtout les jeunes qui sauront s’y reconnaître.