Clara

J’aurais pu inventer un personnage, une femme qui à un moment donné revient sur son enfance puis sur son adolescence marquée par l’alcoolisme de son père.

Ses premiers souvenirs : pourquoi elle ne comprenait pas que sa maman était si fâchée contre son papa certains jours. La description exacte de l’étiquette de la bouteille de vin qui prônait sur la table à chaque repas. Les yeux de son père, sa voix pâteuse, ses gestes incertains, il aurait semblé si fatigué, le pauvre papa.

Elle serait tombée de vélo ou de la balançoire. Une mauvaise chute vers 8 ou 9 ans. Les urgences de l’hôpital et une image gravée à jamais : sa mère qui aurait tenu son père, ivre, la chemise sortant de son pantalon, titubant jusqu’à son lit. Et la honte qu’elle aurait ressentie car elle aurait tout compris : le père qu’elle avait idolâtré jusqu’à présent et qui mettait sa mère en colère certains soirs, ses yeux vitreux, son comportement. A partir de jour, elle aurait instauré un rituel en rentrant de l’école : poser toujours exactement ses pieds sur un chemin imaginaire du sol de cuisine en priant pour que son père ne soit pas saoul.