• Magali C.

    Solal des Solal est le fils du grand rabbin de Céphalonie. À 13 ans, il tombe amoureux d’Adrienne de Valdonne, la femme du consul de France. À 16 ans, aimé de retour, il consomme cette folle passion et s’enfuit à Florence avec son amante. Mais Adrienne regrette ce coup de tête et l’abandonne. Rejeté par son père, Solal se rend en France pour terminer ses études. On le retrouve à 21 ans à Genève. Il n’a pas oublié Adrienne et cherche comment la reconquérir et la faire plier à son amour. « Adrienne n’avait qu’à attendre et à mijoter dans sa souffrance. Il irait quand il lui plairait et il ne l’en trouverait que mieux cuite. » (p. 80) L’ancienne consulesse se laisse reprendre, mais Solal s’en lasse et s’éprend d’Aude de Maussane, la future belle-sœur d’Adrienne et la fille du premier ministre français. À force de séduction et de caresses, Solal se fait aimer de la fille et du père : il obtient la main de la première et un ministère de la part du second. Est-ce enfin l’accomplissement, le bonheur serein ? Rien n’est moins sûr tant Solal est un être insatisfait.

    Solal est un être orgueilleux, ambitieux et habile à saisir toutes les opportunités qui se présentent à lui, mais il est incapable de canaliser son énergie et de faire aboutir ses désirs, comme s’il estimait qu’après avoir donné l’impulsion première, les choses devait se poursuivre et s’accomplir sans lui, mais pour lui. En amour comme en affaire, il est un intrigant flamboyant, un séducteur exigeant, mais rapidement lassé. Son charme et son charisme lui offrent des victoires faciles, mais il ne sait pas s’en contenter et se laisse toujours glisser dans la mélancolie, l’ennui et le dégoût. Avec les femmes, il a des attitudes de pacha et d’amant oriental, à la fois sensuel et cruel. « Il devait se laisser adorer, mener une vie de paresse. Elle avait le devoir en somme de réparer le mal qu’elle avait fait. C’est à cause d’elle en somme qu’il allait mener bientôt une vie de corruption. Il se trompait lorsqu’il disait qu’il l’aimait. Mais peu importait. Son devoir à elle était de veiller sur lui. » (p. 133) La scène de la confrontation avec le tigre est une mise en miroir de deux personnalités puissantes, gourmandes et indomptables. Finalement, le seul être capable de dompter Solal, c’est Solal lui-même, mais sa tentative finale échoue et c’est en phénix puissamment solaire que Solal revient au monde, débarrassé de ses peines et de ses échecs.

  • Magali C.

    Dès la première page, on sait que Clémentine est morte. Dans la lettre posthume qu’elle adresse à Emma, son unique amour, elle lui confie ses journaux intimes et lui réaffirme sa fidélité, même outre-tombe. Dans les carnets secrets de Clémentine, Emma redécouvre la jeune adolescence qui était si mal à l’aise avec sa sensualité naissante. « Les questions des ados sont banales aux yeux des autres. Mais quand on se sent seule à pieds joints dedans, comment savoir sur lequel danser. » (p. 13) Clémentine souffrait en silence de son attirance pour cette fille aux cheveux bleus croisée un jour dans la rue. Cette fille, c’était Emma et il faudra longtemps aux deux jeunes filles pour construire une relation.

Des vendettas...

  • Magali C.
    Des vendettas...

    Cendrine a perdu son fiancé le jour où Benjamin Lucas l’a tué d’une balle de fusil. Près de 18 ans après, cette balle n’en finit pas de résonner aux oreilles de la jeune femme, d’autant plus que Benjamin Lucas vient d’être libéré pour bonne conduite. Cendrine décide alors de tenir la promesse qu’elle a formulé des années auparavant : elle va venger son fiancé. C’est à Barjouls, petit village perdu du sud-est de la France qu’elle s’installe, au plus près de là où le meurtrier a trouvé refuge après la prison. Pour dissimule son identité et son projet, elle se fait passer pour une botaniste chargée de recenser les espèces végétales de la vallée. « Benjamin Lucas lui-même ne pouvait pas deviner qu’elle était la fiancée de l’homme qu’il avait tué. » (p. 43)

  • Magali C.

    Roman de John Williams.
    Il est rare qu’un roman étranger affiche en première de couverture le nom de son traducteur, d’autant plus à la même taille que celui de l’auteur et dans une couleur plus soutenue. Quand j’ai vu « traduit par Anna Gavalda », j’ai failli partir en courant, mais une petite admonestation personnelle m’a convaincue de laisser sa chance à ce livre qui ne m’avait rien fait. Et bien m’en a pris ! Anna Gavalda a traduit ce roman sans y glisser les tics et les tournures qui m’ont tant agacée dans les quelques romans que j’ai lus de cette auteure. Finalement, c’est un grand merci que j’adresse à la traductrice pour m’avoir fait découvrir ce roman de 1965 qui mérite d’être très largement connu. Mais venons plutôt au roman.

Mayotte, bien loin du paradis...

  • Magali C.
    Mayotte, bien loin du paradis...

    Mayotte. Petit territoire français perdu au large des côtes africaines, au nord de Madagascar. Île paradisiaque ? C’est ce que pensent les centaines de Malgaches, de Comoriens et d’Anjouanais qui tentent, chaque mois, de rejoindre les côtes de l’île aux parfums. Au risque de leur vie, ils s’entassent dans des kwassas, barques rudimentaires qui peuvent se retourner ou s’échouer sur les platiers qui entourent l’île. Mais tout vaut mieux que la vie de misère qu’ils ont dans les autres îles de l’océan Indien. Et tant pis si les autorités françaises les rattrapent et les renvoient chez eux : ils rassembleront encore tout l’argent possible pour se payer une traversée vers l’El Dorado français. Parmi eux, il y a des femmes qui sont prêtent à tout pour accoucher en terre française, pour que leurs enfants bénéficient du droit du sol et, peut-être, d’une chance de vivre mieux que leurs parents.

    Pour Danièle, sage-femme fraîchement débarquée de métropole, Mayotte est pleine de beautés. Même sa saleté et son manque d’organisation la charment. Enfin, Danièle va exercer auprès de populations qui ont vraiment besoin d’elles. Enfin, son travail aura du sens. Et l’accueil qu’elle reçoit est bien plus chaleureux que celui qui attend les malheureux qui débarquent de nuit. « C’est quand même merveilleux d’être accueillie sur une île par des types qui pêchent dans un lagon et vous font coucou. » (p.11)

    Il y a d’autres métropolitains sur l’île, comme ce philosophe qui a fui Paris pour échapper à la drogue et qu’une belle Mahoraise a pris dans ses filets, entre amour vache et vache à lait. Il y a Serge, vendeur en téléphonie mobile, grand romantique qui cherche le grand amour et qui a des idées très nettes sur ce qu’il faut faire pour endiguer le flot de clandestins qui essayent de rejoindre l’île. « Ah, les rigolos, ils sont censés arrêter les clandestins qui arrivent par la mer […] Et toutes les gendarmeries sont dans les terres, loin des plages, avec les fenêtres orientées vers la forêt… Ils surveillent les lémuriens. Ouais ! Belle efficacité, la gendarmerie française ! » (p. 119) Il y a Pierre, médecin volontaire en pleine quête existentielle. Mayotte accueillerait-elle ceux que l’Hexagone ne juge plus dignes de lui ? « Il est vrai que trop de personnes ici ne pouvaient plus être ailleurs, tant ils sont désocialisés… Ce sont des gens dont plus personne ne veut en métropole ! » (p. 157) Où s’arrête donc le paradis mahorais et où commence l’enfer ?

    On suit les destins de ces Blancs sur plusieurs chapitres. Perdus dans une communauté composée à 99 % de Noirs, ils vivent pour la plupart repliés dans la sécurité relative de la communauté d’expatriés, pour échapper à la violence et aux vols. Ces « mouzoungous », ou étrangers, sont tous aussi français que les Mahorais, mais l’intégration semble impossible en raison des différences culturelles, religieuses et économiques entre Blancs et Noirs. Et pourtant, il y a des rapprochements entre eux : ce sont surtout de belles et très jeunes Mahoraises qui cherchent des Blancs pour les faire vivre. Attention, il ne s’agit pas de faire entretenir, mais bien de survivre dans une île où tout coûte très cher en raison des taxes et des frais d’importation. Alors, quand un Blanc passe, même s’il est vieux, laid ou gros, les Mahoraises sont prêtes à l’aimer.

    Dans ce très beau roman graphique, Charles Masson se garde bien de choisir un camp ou de donner raison à une population plutôt qu’à une autre. Mayotte est française, la plus africaine des îles françaises, avec ce que cela suppose de pauvreté, de corruption et de retard de développement. Sans complaisance, l’auteur évoque la politique métropolitaine à l’égard de ce petit caillou qui flotte dans les eaux de l’océan Indien. Mayotte a refusé l’indépendance en 1974, au contraire des Comores : elle est française et elle attend que l’État la reconnaisse pleinement comme telle.

    Que dire des clandestins qui tournent leurs espoirs vers Mayotte ? N’ont-ils pas raison de vouloir échapper à la misère dans laquelle ils ont été plongés après l’indépendance ? Ce n’est pas l’avis de nombreux métropolitains expatriés qui s’étonnent que la France soit encore vue comme une terre d’asile. « La gabegie doit s’arrêter : les illégaux doivent comprendre que cette île peut vivre sans eux. » (p. 280) Mais eux, peuvent-ils vivre sans elle ? La fin du roman graphique déchire le cœur, coupe le souffle et retourne les tripes. On a envie de gerber sur l’injustice, parce que crever sous les tropiques, dans une eau fabuleusement bleue, c’est toujours crever.

    Le dessin n’est que noir et blanc. Ce minimalisme s’accorde à merveille à la rapidité du trait. Chaque image semble croquée à toute allure : pas le temps de raffiner, il y a trop à dire et trop à montrer. Et on tourne les pages de ce roman graphique avec une émotion avide, impatiente. Non, Charles Masson ne nous envoie pas une carte postale de Mayotte, mais plutôt le négatif de la carte postale, l’envers du décor. Mayotte, ce n’est pas que les plages de sable noir, les lémuriens aux mimiques adorables ou les tenues bigarrées des Mahoraises.

    Quelle émotion de reconnaître cette île sous la plume de Charles Masson ! Les questions et les sujets qu’il soulève, je les ai vus, vécus ou approchés. Les bons souvenirs sont revenus, les mauvais aussi. Le droit du sol est une notion que je connais, mais que je ne comprends pas, n’ayant pas eu à me battre pour obtenir la nationalité française. Droit du sol n’est pas un pamphlet antigouvernemental, c’est un plaidoyer en faveur de ceux qui ne pourront jamais se défendre.