Cornelia Read : L'enfant invisible Editions Actes Sud

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    Cornelia Read : L'enfant invisible Editions Actes Sud

    L'enfant invisible est le troisième roman de Cornelia Read. A New York au début des années 90, Madeline Dare, jeune journaliste décide d'aider une cousine à défricher un petit cimetière privé laissé à l'abandon. Dans les broussailles, au milieu des pierres tombales, Madeline découvre le corps d'un garçonnet. Très vite la police découvre son identité, Tony avait trois ans quand il est mort sous les coups. Rapidement le compagnon de la mère de l'enfant est arrêté, la mère elle même est accusée de complicité de meurtre. Le livre pose donc le problème de la maltraitante dans la société américaine. Comment empêcher des brutes de massacrer des enfants alors que l'on connaît le danger qu'ils représentent. Cette réflexion n'est malheureusement pas réservée à l'Amérique.
    La mort de Tony et le procès des parents sert de fil conducteur au roman. Il permet à Cornelia Read de dresser un tableau des milieux des jeunes intellectuels dans les années 90 à la recherche d'un emploi stable dans une société en crise. Elle égratigne les milieux conservateurs où l'argent remplace la culture. Avec beaucoup d'humour elle dresse des portraits savoureux de personnages tels que la volage mère de Madeline qui collectionne les maris, comme on collectionne les papillons, ou de Astrid, une snob, insupportable amie d'enfance qu'elle doit côtoyer par obligation.

    Cornelia Read est un auteur d'ouvrages à succès. Elle en connaît toutes les recettes qu'elle applique avec un brillant savoir faire: un sujet de société, un personnage central sympathique et dynamique, et une galerie de personnages secondaires bien croqués. Mais personnellement ce genre d'ouvrage, ni thriller, ni roman noir, me laisse assez indifférent.

James Lee Burke : La nuit la plus longue

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    James Lee Burke : La nuit la plus longue

    Août 2005. Le shérif adjoint Dave Robicheaux est envoyé en renfort à New Orleans après le passage de l'ouragan Katrina. Il découvre le chaos et l'horreur. Une grande partie de la ville est sous les eaux, les cadavres d'animaux et humains flottent au milieu des détritus, des arbres arrachés. Les hôpitaux sont devenus des mouroirs. La ville désertée par une partie des forces de police est livrée aux pillards. Des "braves gens" s'organisent en milice pour défendre leurs biens et les vieux démons du Sud ressurgissent. La haine des pauvres, des noirs, le racisme s'emparent à nouveau des conservateurs blancs. C'est dans ce climat que Robicheaux, aidé par son ami Clete Purcell enquête sur une bande de petits malfrats noirs, qui ont profité de l'ouragan pour s'adonner au pillage des maisons abandonnées. Dans une villa qui appartient à un caïd de la mafia, les voleurs pensent avoir décroché le jackpot, des liasses de dollars et des diamants, mais pour eux les ennuis commencent.

    L'intrigue est bien menée mais ce que l'on retient surtout à la lecture du roman c'est le cri de colère de Burke, exprimée par l'intermédiaire de son héros, devant le désastre écologique et humain. Pour Burke, Katrina n'est pas la seule responsable du chaos, La Nouvelle Orleans a été privée de ses protections naturelles par la cupidité humaine. La barrière d'îles au large des côtes de Louisiane est depuis longtemps érodée, ou a été draguée, chargée sur des barges et vendue pour faire des parkings en schiste. Les compagnies pétrochimiques ont taillé brutalement quinze mille kilomètres de canaux à travers les marécages permettant l'intrusion saline d'empoisonner des marais d'eau douce entre Plaquemines et Sabine Pass. Les digues construites le long du Mississipi précipitent des centaines de tonnes de boue par-dessus le rebord de la plate-forme continentale, l'empêchant de s'écouler vers l'ouest le long de la côte, là où l'on a le plus besoin. Les marais de Louisiane continuent de disparaître à une moyenne de douze mille hectares par an. Burke dénonce, après le passage de l'ouragan, l'arrivée tardive et l'inorganisation des secours, l'incapacité de Georges Bush et l'inefficacité de son gouvernement à réagir. Il montre comment les habitants, en particulier les plus modestes ont été abandonnés à leur sort, spoliés par des compagnies d'assurance qui se sont arrangées pour ne rien rembourser. Dès le début de la remise en état de la ville une grande partie des fonds fédéraux a été détournée. Des sommes d'argent à tomber par terre était versées à des groupes d'initiés qui sous-traitaient avec de petites entreprises n'employant que des travailleurs non syndiqués. Un contrat de cinq cent millions de dollars pour déblayer des gravats avait été accordé à une compagnie de Miami qui ne possédait pas un seul camion, puis le travail avait sous-traité à des manœuvres qui, effectivement, dégagèrent les gravats et les emportèrent à dos d'homme…La destruction de la Nouvelle-Orléans était une tragédie nationale, et sans doute un grand tournant du cynisme politique américain. Le livre est aussi une interrogation permanente sur le bien et le mal, sur la capacité de la société à faire face à la violence. Nous sommes censés être une société chrétienne. Selon les mythes que nous avons forgés, nous respectons Jésus, Mère Térésa et Saint François d'Assise. Mais je crois que la vérité est différente. Quand nous nous sentons collectivement menacés, ou quand nous sommes collectivement touchés, on a envie que les frères Earp et Doc Hollyday s'en occupent, on a envie que les méchants se fassent descendre, qu'ils soient cuits, fumés, séchés, enterrés par les bulldozers.

    Avec "La nuit la plus longue", Burke signe là peut-être son meilleur roman. Un très grand livre.

James Lee Burke : Dernier tramway pour les Champs-Elysées

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    James Lee Burke : Dernier tramway pour les Champs-Elysées

    Rassurez-vous Burke n'a pas quitté la Louisiane et ne s'est pas transporté dans notre capitale. Les Champs Elysées est le nom du terminus d'une ligne de tramway désaffectée de la Nouvelle Orléans. Dave Robicheaux est en colère, il est bien décidé à mettre la main, avec l'aide de son ami Clete, sur ceux qui ont tabassé le père Jimmie Dolan qui prend sans ambages le parti des gens modestes et qui n'hésite pas à s'attaquer violemment aux grands propriétaires, aux notables. Dans son enquête Robicheaux croise le fantôme d'un musicien de jazz, Junior Crudup, incarcéré au pénitencier d'Angola dans les années trente disparu dans des conditions mystérieuses. Mais le passé rejoint toujours le présent, la petite fille du musicien est sur le point d'être dépossédée de sa ferme par une société de produits toxiques dirigée par un certain Flannigan, qui a épousé un ancien amour de Robicheaux. Plus l'enquête avance, plus Robicheaux s'enfonce dans un bourbier, plus les cadavres s'amoncellent.

    L'intrigue est magistralement construite, chaque mouvement de Robicheaux fait surgir des pans du passé, et la mort. Burke, à travers son double Dave Robicheaux, pose un regard noir, pessimiste sur l'évolution de la société, les plus modestes sont souvent des victimes des transformations actuelles de la Louisiane. Il doute sur l'efficacité de la police, de la justice. Il regarde avec désenchantement et colère la région se faire massacrer par des hommes d'affaires sans scrupule et des politiciens véreux. Mais l'auteur de romans noirs est aussi un poète qui nous parle avec lyrisme et amour de la nature, de la végétation, des bayous de sa Louisiane. Un excellent titre récompensé en 2009 par le Prix du Mystère de la critique.

Dimitri Stakhov. Le retoucheur.

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    Dimitri Stakhov. Le retoucheur.

    Heinrich Miller est photographe, comme l'était déjà son père qui opérait pour les services secrets du régime communiste de L'URSS. Particulièrement doué pour la retouche de clichés, il était chargé de supprimer les personnages devenus indésirables pour les dirigeants de l'Etat. A l'époque, disparaître d'une photo officielle se traduisait généralement par mourir. Le vieux photographe a survécu aux vicissitudes de l'Histoire parce qu'il obéissait aux ordres sans jamais poser de questions et parce qu'il était le meilleur retoucheur dans son service.
    Dans la Russie de Poutine, criminogène et corrompue, Heinrich est un photographe au talent reconnu. Il réalise des clichés artistiques de mannequins dénudés. De plus, avec son scalpel il se montre aussi doué pour éliminer un individu de la surface d'un négatif et retoucher les photographies. Son agent Koulaguine lui fournit des commandes qui aboutissent inévitablement à la mort violente des disparus des clichés. Qui sont, derrière Koulaguine, les réels commanditaires d'Heinrich : des mafieux? des services qui ont remplacés le KGB? des ex-communistes devenus capitalistes et hommes politiques?

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    Il vous certainement déjà arrivé de choisir un objet pour la qualité de son emballage ou d'être séduit par le lyrisme d'un camelot et de regretter ensuite votre achat. Il peut en être de même dans le choix d'un livre. Vous regardez la couverture : un tramway dans la brume, sur un mince tapis neigeux. Le froid vous envahit, vous frissonnez. Vous lisez la quatrième de couverture. On vous parle du meurtre mystérieux d'une jeune femme à Budapest, et vous glissez dans l'angoisse. Vous ignorez tout de l'histoire de la Hongrie des années trente et l'éditeur vous promet de découvrir les dessous inavoués des secrets d'état. On vous promet un grand roman noir avec un détective sorti de l'univers de Hammett ou de Chandler, alors vous salivez.