ION M.

La publication de l'actuelle version française (trad. Véronique Malengreau) a provoqué un intérêt renouvelé pour ce livre en Roumanie, où l'édition princeps a paru en 2005.
Dans son émission POURQUOI LIRE? de 13 Avril 2011, à la TVR1 (Télévision Roumaine channel 1, Bucarest), Mr. Tudor Calin Zarojanu a dit, en bref, la suivante:
*** Il est dit qu'après la sortie du film La Passion du Christ, Pape Jean Paul II a adressé au Mel Gibson un E-mail avec ces mots: «Oui, c'est précisément ce qui s'est passé». En gardant les proportions, on peut dire la même chose à propos du livre de Dan Predescu. Oui, les choses exactement ainsi étaient à l'époque du communisme - pas autrement. Telle était la vie à l'époque, en Roumanie. ***

Et puis, Mr. Zarojanu a lu cette page finale du livre:

*** Dana, je ne l’ai revue qu’une seule fois, en décembre 1988, dans une queue longue d’une heure devant une épicerie de Drumul Taberei. Au milieu de la bousculade et les cris hystériques, je me suis brusquement trouvé face à face avec elle. Lorsqu’elle m’a vu, elle a écarquillé les yeux et m’a embrassé abruptement.
- Comment ça va, lui ai-je fait.
- Bien, répondit-elle mécaniquement. Je travaille à l’Aversa. Et toi, où vis-tu ?
Je ne suis pas arrivé à lui répondre car un vieillard, tombant de nulle part, se plaignit que Dana lui avait soufflé sa place. Une bagarre idiote a commencé, je m’en suis mêlé et, soudain, c’est une marée humaine qui s’est abattue sur nous.
Chaque personne n’avait droit qu’à un seul paquet de beurre. Ma première réaction fut de donner le mien à Dana mais, ensuite, je ne la vis plus dans cette fourmilière et je me suis dit, de surcroit, que je n’avais plus rien à manger à la maison et j’ai donc filé en douce.
En rentrant chez moi, j’eus dans la tête les images du film Le Dernier Tango à Paris et l’usage qui était fait de ce beurre. Quels pervers!
Mais la réalité est bien plus perverse. La réalité objective. ***

- un roman roumain en version française -
LE PÈRE DE L’AGNEAU (roum. TATAL MIELULUI, ici avec le titre À VOTRE SANTÉ, POOR YORICK!) a paru pour la première fois, à Bucarest, en mai 2005. Il a été accompagné par cette courte présentation: *On connait des cas - attestés par des papiers d’état civil, dans les dernières soixante ans - quand le loup mit enceinte la brebiette. Et il ne l’a dévoré qu’après la naissance de l’agneau. D’un tel cas parle le livre ci-présent. Et aussi d’une fille qui a eu le …privilège d’un avortement en conditions absolument légales, dans les années ‘80, à Bucarest (où l’ avortement était, en règle générale, puni comme un crime). Et des deux jeunes gens qui étaient habitués ne respecter rien - au temps où la seul chose à respecter était le nom Ceausescu.*
Outre les cris d’indignation (un commentaire paru en ARCA, une revue littéraire d’Arad, à l’Ouest de la Roumanie, trouvait, par exemple, qu’il est impardonnablement ironique envers l’Ancien Régime, féodal-communiste, roumain), LE PÈRE DE L’AGNEAU a eu aussi la chance de se voir présenté ainsi comme suit: *Sous un titre loin de la saveur du livre, la misère sentimentale des temps du Ceausescu, traitée vaillamment à grande vitesse, en peu de mots, avec ardente insolence. Car “à Bucarest tout est si chaleureux-humain que rien n’est scandaleux”. Pour de bon, dix fois plus dur et plus cynique que Beigbeder, entre nous soit dit.*(Radu Cosasu en DILEMA VECHE № 102, 6 janvier 2006)
Le titre de l'édition française évoque un moment de cette histoire: le personnage du raconteur, qui est un homme de théâtre, a un cauchemar: une nuit, il se trouve dans une fosse qu’ill fouille. Au-dessus, sur le bord de la fosse, est assis le secrétaire pour la Propagande (de l’organisation locale du Parti Communiste), avec un crâne humain dans sa main, dans lequel il verse du whisky d’une bouteille Johnny Walker, en invitant le raconteur boire une gorgée à la santé du pauvre Camarade Yorick.
Pour plus de détails:
http://ciocu-mic.ro/wordpress/?page_id=1621
http://ciocu-mic.ro/wordpress/?page_id=716