MA DEVOTION/Julia Kerninon

  • Charles K. Libraire
    MA DEVOTION/Julia Kerninon

    Pourquoi lit-on des romans ? Pour vivre en abrégé la vie de quelques autres, une vie, des vies que nous ne vivrons pas, et dont le roman, nous en donnant un aperçu, nous enrichit d’autant.
    Et nous savons qu’un roman est réussi quand nous en gardons trace, longtemps après l’avoir lu. Pour moi c’est le cas s’agissant de "Ma dévotion".

    "Ma dévotion", donc, se présente comme une sorte de confession de la narratrice à l’homme, peintre éblouissant, internationalement reconnu, qui a occupé le plus clair de sa vie. Le livre est découpé en 118 chapitres très brefs comme autant de peintures. Et il est construit en 8 parties dont 4 sont nommées en référence aux lieux, villes et maisons où les protagonistes ont vécu. Rome, Amsterdam, New York, Londres, Normandie.
    Ils se sont connus adolescents à Rome, elle fille de diplomate, lui fils d’un employé subalterne de l’ambassade. Helen et Franck détestent leur famille, tant leur mère que leur père, et vont nouer de là un lien complexe d’une amitié amoureuse qui va s’avérer assez déséquilibrée. Elle, dévouée à l’objet de son amour, œuvrant dans l’ombre pour sa réussite. Sa réussite de peintre. Qu’elle a aidé à éclore et à faire connaître. Sa notoriété de peintre, son égoïsme d’artiste, c’est un cas de figure assez courant, va l’éloigner d’elle. Et puis elle lui reviendra, pour se charger de l’éducation du fils qu’il a eu avec une amante de passage, jeune modèle qu’il a abandonné. Retrouvailles donc, en Normandie, au milieu des bois, jusqu’à ce qu’un épisode destructeur cause leur rupture définitive.
    Et puis, après 23 ans de silence, le hasard les fait se croiser sur un trottoir de Londres. C’est l’occasion pour Helen, écrivain, éditeur, de livrer à Franck, dans un long monologue chuchoté, sa version de leur vie, avec le recul qu’on a quand, à 80 ans passés, on entre dans le soir de l’existence.
    Et c’est alors que "Ma Dévotion" révèle ce qui en fait l’âme. L’incommunicabilité des êtres. Les mensonges, les non-dits qui les constituent. Les accords qui ne sont qu’une forme particulière de malentendu. Les trajectoires qui se côtoient, parallèles sans jamais se croiser, et en tout cas pas se fondre.

    300 pages de lecture nécessaire.

  • Charles K. Libraire

    ça se lit comme un polar. Vraiment excellent. Et terrifiant. Combien de morts ?
    Combien de bénéfices ?

  • Charles K. Libraire

    Une rencontre. Des rencontres. Trente fois une rencontre. Celles dans lesquelles Kundera nous entraîne à sa suite. Une rencontre avec un ami d’aujourd’hui, par exemple, le peintre Breleur, dont tous les tableaux sont des tableaux de nuit, et qui peint la lune comme nous ne la voyons pas ici en métropole, Breleur avec qui il boit le punch en Martinique, et qui lui dit de sa voix calme : « Malgré tout, dans la peinture, il doit s’agir avant tout de beauté ». Rencontre de Bacon aussi sur l’œuvre duquel il livre un commentaire éblouissant, non sans d’abord prévenir : « Les meilleurs commentaires de l’œuvre de Bacon c’est Bacon lui-même qui les a faits… » Je ne sais.

  • Charles K. Libraire

    « La science efface des frontières. Elle les rend floues. Frontières entre la matière et le vivant…entre l’animal et l’humain » écrit Jean-Claude Ameisen, faisant écho à cette idée de Darwin que « la différence en ce qui concerne l’esprit entre l’homme et les animaux supérieurs, aussi grande soit-elle, est certainement de degré et non de nature ». Frans de Waal, dans le fil du darwinisme, pense qu’il y a continuité entre les comportements moraux humains et non humains. Dans « Primates et philosophes » il s’applique à démontrer qu’on peut comprendre l’émergence de la morale chez l’homme en étudiant le comportement des chimpanzés et des autres grands singes. Il commence par critiquer la « théorie du vernis » selon laquelle la nature profondément égoïste de l’homme ne serait que recouverte d’une mince couche de règles morales relevant de la construction culturelle. De Waal, à l’inverse, pense que le sentiment moral chez l’homme commence avec l’empathie. Darwin déjà croyait que « Beaucoup d’animaux […] éprouvent certainement de la sympathie pour la détresse ou le danger (que ressent) l’autre » et « que les animaux (sociaux) ont un sentiment d’amour les uns pour les autres ».

  • Charles K. Libraire

    « Moi vivant vous n'aurez jamais de pauses » est un petit livre, joliment dessiné, drôle, très drôle qui relate avec beaucoup de finesse le quotidien, les mésaventures d’une jeune fille de 26 ans égarée dans un métier, celui de libraire, pour lequel elle ne semblait pas faite. Mais on ne le saura en réalité jamais, car on ne peut pas exercer le métier de libraire dans une entreprise dont l’ambition n’est pas d’être une librairie mais simplement une usine de distribution du prêt-consommer-culturel.
    Bien sûr on peut aussi lire « Moi vivant » comme on le ferait d’un ouvrage de socio rapportant une tranche de la vie quotidienne des jeunes vendeurs dans la « grande distribution ». Un livre gai, pour dire une vie qui ne l’est pas.