Caroline C.

D'une anecdote historique, Jose Saramago fait un fait pas du tout divers. Car le voyage d'un éléphant indien du Portugal à l'Autriche au 16e siècle relève de l'extraordinaire.
Le narrateur nous emporte d'une traite (sans chapitres, parfois sans majuscules, sans points, sans guillemets de dialogue) dans cette épopée. Les personnages sont croqués avec humour et ironie, le récit postérieur livre des commentaires contemporains sur cette époque passée, et vaille que vaille, chacun contribue à sa manière à cette mission réjouissante.

Hélène-Lecturissime
Le récit d'un voyage extraordinaire

Ce voyage d’un mastodonte à travers l’Europe est déjà en lui-même extraordinaire, mais José Saramago lui apporte une dimension supplémentaire en lui ajoutant son humour décapant ainsi que des réflexions philosophiques, sociales, historiques qui jalonnent le texte, l’enrichissant sans l’alourdir :

« Au fond, il faut reconnaître que l’histoire n’est pas uniquement sélective, elle est aussi discriminatoire, elle ne cueille de la vie que ce qui l’intéresse en tant que matériau socialement tenu pour historique et elle dédaigne tout le reste, précisément là où pourrait peut-être résider la vraie explication des faits, des choses, de cette putain de réalité. En vérité je vous dirai, en vérité je vous le dis, il vaut mieux être romancier, inventeur de fictions, menteur.» (p.192)

« On raconte beaucoup de choses qui ne sont pas toujours véridiques, mais l’être humain est ainsi fait qu’il est tout aussi capable de croire que les poils d’éléphant, après un processus de macération, font repousser les cheveux, que d’imaginer qu’il porte en lui une lumière unique qui le conduira sur les chemins de la vie, y compris dans les défilés. » (p. 201)

- L’auteur n’hésite pas à venir au secours de ses personnages et de les défendre quand besoin est, commentant ce qu’il écrit parallèlement au récit :

« Ces observations seront peut-être jugées inutiles par des lecteurs davantage intéressés par la dynamique du texte que par des manifestations prétendument solidaires et d’une certaine façon œcuméniques, mais fritz, ainsi qu’on l’a vu, passablement découragé à la suite des derniers évènements désastreux, avait besoin que quelqu’un pose une main amie sur son épaule, et c’est exactement ce que nous avons fait, placer la main sur son épaule. » (p. 193)

- C’est donc un récit plaisant, vivant, érudit et dynamique que nous offre ce célèbre prix Nobel de littérature.

J’ai moins aimé la densité du texte qui est assez déroutante, même les dialogues sont inclus dans le paragraphe, sans tirets, sans guillemets, si bien qu’on ne respire qu’à la fin des chapitres…