Alex-Mot-à-Mots
Iran

Avec ce roman, j’ai découvert la très riche collection de la Shabanou, femme du dernier Shah d’Iran, un couple trop en avance sur son temps.

J’ai aimé Cyrus, d’abord jeune garçon sans instruction chargé de convoyer des tableaux, qui se prend de passion pour cet art majeur qui croise sa route.

J’ai aimé sa soif de savoirs, son auto-formation au gré des ouvrages qu’il trouve, des personnes qu’il rencontre.

J’ai eu de la peine pour les deux jeunes filles qui croisent sa route, dont l’une connaitra une fin tragique.

J’ai aimé découvrir la révolution iranienne de l’intérieur, avec des habitants de Téhéran qui pour certains pensent pouvoir vite se débarrasser des Mollahs.

J’ai aimé suivre la découverte de certaines oeuvres avec Cyrus (Suicide de Warhol, Nature morte à l’estampe japonaise de Gauguin, Gabrielle à la chemise ouverte de Renoir).

J’ai aimé le contraste entre la magnétique et vivante Shabanou et le regard minéral froid de Khomeini.

J’ai aimé que Cyrus, dans l’ombre, soit le gardien des oeuvres face à la force et la destruction.

J’ai aimé apprendre que son fils prenait sa suite. J’ai aimé son carnet noir dans lequel il consignait toutes ses trouvailles, et son trousseau de clefs unique.

Merci à l’autrice d’avoir mis la lumière sur cet homme de l’ombre qui a très bien fait son travail loin des appareils photos versatiles.

L’image que je retiendrai :

Celle du bâtiment construit spécialement pour la Collection et qui devait rivaliser avec le Guggenheim de New-York.

Yv

1979, Cyrus Farzadi, 25 ans, se retrouve, par les circonstances, gardien du musée d'arts de Téhéran, musée construit très peu de temps auparavant, volonté de Farah Pahlavi, femme du Shah. Issu des bas quartiers de la ville, rien ne le prédestinait à entrer un jour dans un musée.

En ce mois de mars 1979, la révolution islamique menée par l'ayatollah Khomeini n'est plus qu'une question d'heures. Cyrus s'attend au pire face à l'ignorance et à la morale des mollahs. Il ferait tout pour que les toiles de grands maîtres ne soient pas détruites, mais pourra-t-il les sauvegarder de la destruction ?

Le roman débute par ce mois de mars 1979, puis revient en arrière pour nous faire assister à la construction du musée, puis à l'embauche de Cyrus, en 1977 comme chauffeur chargé du transport des œuvres achetées partout dans le monde, à des prix exorbitants. Le règne du pétrodollar.

J'ai eu peur un moment que l'autrice ne laisse de côté la pauvreté du pays, la censure et la répression contre les opposants au profit de la description des œuvres et de l'occidentalisation de la société iranienne. Mais que nenni, très vite, elle s’attelle à montrer l'énorme différence entre les très riches et les très pauvres. Le faste de l'empereur, pour son couronnement, pour fêter les 2500 ans de l'empire perse, les fêtes où le champagne importé de France coule à flots... pendant que les pauvres ne parviennent pas à se nourrir, vivent dans des taudis et que les opposants sont emprisonnés, torturés par la Savak, la police politique du pouvoir : "Cyrus pense à cette blague qui circule dans toutes les familles : dès lors qu'au moins trois Iraniens sont réunis, l'un d'eux fait forcément partie de la Savak." (p.33)

Bref, tout cela est dit, parfois trop, un peu comme si Stéphanie Perez voulait à chaque fois qu'elle parle du musée érigé à coups de millions de dollars, évoquer la pauvreté pour s'excuser. Ce n'est pas toujours habile si subtil, cela rajoute des pages, certes, mais superflues.

Nonobstant ces remarques, le roman a des qualités comme cette montée de l'islamisme dans le peuple fatigué du régime du Shah et l'aveuglement du Shah et de sa cour : "Mais l'Iran danse sur un volcan. La terre gronde, de plus en plus fort, la secousse menace, l'éruption n'est qu'une question de jours, les flots de colère vont se répandre inexorablement, un magma révolutionnaire et fumant qui menace de recouvrir le pays." (p.108). Les hommes jusqu'alors assez ouverts se referment, obligent leurs femmes à porter le voile, se réunissent à la mosquée. On sent au fil des pages que le mouvement prend de l'ampleur et qu'il sera difficile d'échapper à un changement radical.

Malgré mes réserves, ce roman fluide se lit aisément et il permet d'apprendre sur l'Iran, sur les raisons de la révolution de 1979 qui amènent un régime sans doute pire encore que celui du Shah et sur un homme né dans les quartiers pauvres qui va consacrer sa vie à protéger des œuvres d'art inestimables. Ce roman s'inspire d'une histoire vraie.