Alex-Mot-à-Mots
amour, Kafka

De l’auteur, j’avais beaucoup aimé "Blue Jay Way" et "Ta mort sera la mienne". Je le retrouve ici dans un genre totalement différent, et je dois avouer que je suis passée à côté de cette lecture.

Le début du roman m’a paru alambiqué, mais c’est moi qui n’était sans doute pas assez concentrée.

J’ai en revanche aimé les passages dans lesquels Julie se rapproche de la vieille dame et y parvient.

Le personnage du père m’a paru inconsistant, mais il est vrai que l’on en sait peu sur lui.

Au fond, seul le personnage de la vieille dame a trouvé grâce à mes yeux, car l’auteur nous livre par petites touches le drame de sa vie, et pourquoi elle base sa vie sur le mensonge.

L’image que je retiendrai (attention divulgations) :

Celle de la vieille dame, alors jeune fille enfermée à Auschwitz, les pieds dans la boue lors des appels interminables, rêvant à sa poupée partie aux Etats-Unis, comme le lui avait écrit Kafka. Ce sont ces « rêves » qui lui ont permis de tenir.

http://alexmotamots.fr/?p=1533

claudialucia
La poupée de Kafka

"En 1923, à Berlin, Kafka rencontre dans un parc une fillette en pleurs, qui a égaré sa poupée. L’écrivain la réconforte. La poupée n’est pas perdue, affirme-t-il, elle est simplement partie en voyage ; d’ailleurs, ne lui a-t-elle pas écrit – n’a-t-il pas gardé les lettres ? Confronté à l’incrédulité de l’enfant, Kafka rentre chez lui et, dans un état de grande faiblesse (il ne lui reste que quelques mois à vivre), rédige les missives en question. Pendant trois semaines, et par sa plume, la poupée raconte sa vie. Dans son dernier courrier, elle annonce qu’elle s’est mariée et doit mettre un terme à sa correspondance. Rassérénée, la fillette accepte cette conclusion. La littérature, en un sens, l’a délivrée de sa douleur." C’est cette anecdote qui sert de point de départ au roman de Fabrice Colin.

Abel Spieler est professeur de littérature allemande à la Sorbonne. C’est un homme égoïste qui trompe sa femme avec ses étudiantes, délaisse sa fille Julie et dont la passion pour Kafka est envahissante. Julie est une enfant précoce qui lit La métamorphose à l’âge de six ans, qui connaît par coeur toute la vie et l’oeuvre de Kafka. Brillante mais bouleversée par les démêlés conjugaux de ses parents puis par la mort de sa mère, elle échoue à ses concours et coupe les amarres en partant vivre à Berlin. C’est alors qu’elle décide, pour se rapprocher de son père, de rencontrer Else Ferchtenberg, qui, d’après son enquête, doit être la petite fille à la poupée. Oui, mais voilà! Else est une vieille dame peu commode et qui n’est pas prête à livrer ses secrets. Et par dessous tout elle aime le mensonge. L’écrivain va tout mettre en oeuvre pour que les trois personnages clefs du roman, hantés par la figure omniprésente de Kafka, se rencontrent et pour que les secrets soient dévoilés.

La poupée de Kafka est un roman au sujet original qui a plusieurs entrées. S’il explore les relations orageuses et douloureuses entre un père et sa fille malgré l’amour qui les lie, il est aussi un livre sur l’amour de la littérature et son rôle dans la vie.
« Les livres de Kafka sont l’antidote à la maladie d’exister, soliloquait-il en inspectant ses ongles rongés. Sans lui, je ne saurais que faire de la douleur du monde, sans lui, je ne saurais pas vivre, et vous non plus.»
Kafka y est à la fois celui qui permet le partage et l’échange entre la fille et le père comme lors de ce voyage à Prague sur les traces de l’écrivain mais aussi celui qui divise. Le père vit plus dans ses livres que dans la vie quotidienne.
« Kafka. Kafka schon immer, toujours et en tous lieux, l’étoile noire, l’anti-guide, le prophète, pardonne-moi si je fatigue, papa, pardonne-moi si je t’en veux de tout ça. »

Immense pouvoir de la littérature qui peut détourner de la vie mais qui peut aussi lui donner un sens, mettre un baume sur les souffrances ; littérature consolatrice comme celle de kafka écrivant pour la petite fille et lui permettant de surmonter la perte de sa poupée. Et c’est pourquoi Else Ferchtenberg aime tant le mensonge. C’est pourquoi elle préfère sa vie rêvée, fantasmée qui lui permet de tenir à distance l’horreur de ce qu’elle a vécu et que nous découvrirons peu à peu dans des pages, à part, mises en exergue. Récit dans le récit, elles nous introduisent vers une autre dimension de l’histoire, une autre tragédie.
Mais je n’en dirais pas plus ! Et si vous voulez savoir si la vieille dame est bien la petite fille à la poupée, sachez que vous aurez la réponse à la fin du livre, parce qu’enfin tout au long du roman, le lecteur meurt d’envie de savoir la vérité, une vérité romanesque puisque l'on n'a jamais su si cette anecdote rapportée par Dora Diamant, la compagne de Kafka, est vraie !
Un roman très bien écrit, qui tout en posant des questions passionnantes, maintient le lecteur en haleine.

Et en plus, j'aime énormément la photo de la première de couverture du livre chez Actes Sud.