Comprendre Dolto

Présentation

Introduction?>Problématique de la transmission?>Au moment d'engager ici un travail de présentation d'ensemble sur Françoise Dolto, sur ce qu'a représenté tout ce qu'elle a accompli, et d'abord en tant que psychanalyste, difficile, avouons-le, de ne pas faire état d'un sentiment d'hésitation, ou ne pas éprouver quelque vertige. Car comment prétendre être à la hauteur de ce qu'exige une telle tâche? Quelle que soit la considération qu'on lui accorde, quelle que soit l'appréciation qu'on en a, il demeure en effet que F. Dolto aura été un personnage d'exception, dont c'est peu dire qu'elle aura marqué son époque et ce, bien au-delà même du sérail psychanalytique – où elle a cependant occupé une place de premier plan, notamment bien sûr par son apport fondateur à la pratique de la psychanalyse avec les enfants. Ceci lui vaut de compter sans conteste parmi les grandes figures de la psychanalyse contemporaine.Intransmissible ??>Mais dès lors, comment pouvoir présenter dans leur diversité tous les aspects de ce qu'auront été son œuvre et son action? Comment être à la mesure de l'envergure inventive et novatrice qui fut la sienne, quand elle n'est plus là pour en garantir la pertinence et en soutenir la pérennité? Comment transmettre au mieux ce qu'a été à tous égards son enseignement, sans l'appauvrir à s'enfermer dans le zèle d'une fidélité simiesque, mais sans non plus risquer de le déformer et le réduire en le codifiant? Comment opérer pour, qui plus est, de cet enseignement qu'elle a produit, respecter et faire valoir l'esprit - ce qui ici n'est certes pas un vain mot?Telles sont quelques-unes des questions redoutables auxquelles nous allons nous trouver inévitablement confrontés. Et ce qui va accroître encore la difficulté tient à la multiplicité des aspects à envisager, compte tenu de la diversité des thèmes que F. Dolto a abordés, des domaines de réflexion auxquels elle se sera intéressée et consacrée, et alors comme toujours avec la passion et la fougue, la force d'engagement et l'enthousiasme qui la caractérisaient.Il y a de quoi oser dire à ce propos que – comme c'est souvent le cas des grands maîtres, chacun à sa façon -, F. Dolto ne nous aura pas facilité la tâche pour ce qui est de la transmission. Et ceci pourrait s'apprécier à différents niveaux. Mais, déjà, du fait qu'elle n'aura pas éprouvé la nécessité de donner de son œuvre un état abouti et suffisamment ordonné pour qu'il soit facile d'en restituer le contenu, dès lors qu'il aurait ainsi été agencé de façon formelle. En d'autres termes, on ne trouvera pas chez F. Dolto rien qui soit de l'ordre d'une systématique obsessionnelle – c'est le moins que l'on puisse dire ! Non certes, nous y viendrons, qu'elle n'ait cherché à inscrire ce qu'elle avait à transmettre de son expérience dans la rigueur d'une pensée et la conceptualisation d'un effort théorique. Mais, du côté de la vie, éminemment vivante telle qu'elle était dans son être, elle avançait sans atermoiement ni retard sur la voie de son chemin singulier, lançait ce qu'elle croyait pouvoir en répercuter aux uns et aux autres – proches, collaborateurs, élèves (patients?) –, et vogue la galère ! Prenez ça comme vous voulez, comme vous pouvez, à chacun de se débrouiller si possible avec, à chacun d'y ajuster son entendement, elle étant déjà repartie vers un nouvel élan de sa réflexion et de son engagement de travail et de recherche.Nous parlons donc ici de transmission. Mais après tout, que s'agit-il au juste de transmettre? Le savoir-faire de F. Dolto? Mais qui saurait y prétendre, une fois que l'on reconnaît en elle une clinicienne d'exception, au point de la dire parfois géniale? Sera-ce alors pour restituer une pensée si bien ficelée qu'elle pourrait être livrée clefs en main? Mais on en a déjà signalé l'illusion, et c'est d'ailleurs elle-même qui souhaitait limiter le registre de sa pensée théorique à un prudent « tout se passe comme si... »1.En fait, nous nous retrouvons là devant une sorte de dilemme auquel elle a pu être elle-même confrontée, au risque d'un premier malentendu – car il y en a eu d'autres. En effet, reconnaître le talent clinique hors du commun qui fut le sien – jusqu'à parler de son «génie» dans l'art analytique, dans l'art d'exercer la psychanalyse, en particulier avec les enfants – souligne en tout cas ce qu'il y avait là de tellement singulier, n'appartenant qu'à elle. Mais pour le coup, cela a pu conduireà déplorer que, par ailleurs, F. Dolto n'ait rien à transmettre, du moins rien qui puisse valoir enseignement magistral, recevable comme apport formel pour la psychanalyse. Ainsi, au-delà de son « insight », elle ne laisserait rien de formalisé qui soit alors significativement réutilisable par d'autres.