• Arnaud B. Libraire

    Emma Picard est une veuve vosgienne mère de 4 garçons, qui bien décidé à prendre un nouveau départ, accepte l'offre du gouvernement français : acquérir des terres, une ferme, à l'orée du désert algérien. On est dans la deuxième moitié du XIX ème siècle. Lors d'une veillée funèbre Emma se souvient. Sorte de rhapsode, le chant d'Emma Picard nous parvient du puits de sa solitude. Cette figure féminine de Job se remémore les fléaux qu'on affronte les uns après les autres. Mais peu importe la fatalité, cette femme est tout à la fois dans un même souffle de vie, le courage, l'amour et l'espoir et c'est bien cela que l'on garde de cette lecture profonde.

  • Arnaud B. Libraire

    Ça s'ouvre comme ça ; un paysage lunaire, une salière, un record de vitesse à moto : une chute. Reno aime la vitesse. Elle a une Valera, cette moto qui est aussi une façon d'être et qui est la fierté des usines du même nom à Milan. Sandro Valera, canard boiteux de la famille, est artiste à la pointe du minimalisme à New-York. Il aime les objets, leur mécanique, les détourner de leur fonction première. Ces deux-là vont s'attirer. Mais un flingue, un appareil photo, ne seront-ils pas toujours un flingue, un appareil photo ? Les lance-flammes est fait d'à-coups : à de très belles pages d'attente au cœur des propriétés bourgeoises (qui font penser au chef-d’œuvre de Basani, Le jardin des Finzi-Contini, avec en creux la montée des actions directes des Brigades rouges), succèdent la vie artistique new-yorkaise des années 60-70 et une réflexion sur l'émergence des grandes entreprises au XX ème siècle. Des personnages profonds, la construction d'une jeune héroïne à laquelle on s'attache, une histoire virile et une trame narrative fine, tels sont les ingrédients de ce très bon roman.

  • Arnaud B. Libraire

    Pour tenter de lever l'un des derniers tabous sociétaux de l'Occident, la différence d'âge entre deux personnes qui s'aiment, Tomas Espedal nous compte plusieurs histoires d'amour au cœur desquelles il formule les vérités importantes que le sujet impose. La force de ce livre est dans l'universel qu'effleure en va-et-vient l'auteur avec la timidité du boxeur, la pudeur de celui qui est nu ; il se pourrait que ce soit de lui qu'il parle, il se pourrait que ce soit de vous. C'est toujours un petit pas en avant de la bien-séance, un pas de côté par rapport aux salons bien-pensants. C'est souvent très beau – l'émancipation de sa fille - , jamais vulgaire ; c'est haletant à Rome, au Nicaragua, à Copenhague : et lorsque c'est érudit c'est pour nous montrer Héloïse et Abélard, 16 et 38 ans, l'une enceinte et l'autre châtré. Mais ceci est une autre histoire. Coup de cœur.

  • Arnaud B. Libraire

    C'est un livre qui chuchote en langues mortes à l'oreille du temps. Comme dit le poète, tout y est calme, luxe et volupté. Une narratrice, Alice, qui penchée sur des études mésopotamiennes se retrouve en Syrie, au sein d'une petite équipe, afin d'y étudier des tablettes cunéiformes. On suit ses déplacements, ses sensations, ses doutes. Viendront le moment du retour, la guerre, les tentatives de réconciliation de soi au regard de ce qu'on croit avoir loupé. La fébrilité sous le vernis de l'assurance, la colère enflée sous le silence. A l'instar de son homonyme au pays des merveilles, il faudra à Alice une conscience aiguë pour regarder de l'autre côté du miroir. Mais de quelle rive regardons-nous l'autre côté ? Un livre de nuances, de choix, aux questions affûtées, d'une beauté dont on hésite à figer le moment ; peut-être de la neige tombant sur Damas ?

  • Arnaud B. Libraire

    C'est l'histoire d'un apprentissage en forme de conte ou de citron. Vous avez tantôt l'impression de croiser Sépulveda au détour d'une forêt tantôt il vous semblera reconnaître Baricco pour les champs lexicaux si doux, si tendres et appropriés ; nul doute vous entendrez une musique envoûtante et précise. Il y a peut-être le côté initiatique de Siddartha mais sans l'intention. Sans une once de prétention l'auteur à une vitesse d'exécution étonnante, fait s'enchaîner les situations et notre imagination sourit. Le voyage d'Octavio est ce genre de livre beaucoup plus grand à l'intérieur que ne le suggère son format.